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1168. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Car bien misérable était la Compréhension musicale qui s’exprimait à lui, dans cet échafaudage architectonique des sons, lorsqu’il voyait les plus grands maîtres même de sa jeunesse, avec une répétition banale de phrases et de fleurs rhétoriques, avec des alternatives, rigoureusement distribuées, de force et de douceur, avec des graves introductions, et reprises, aux mesures par avance comptées, se traîner, passant sous les portes inévitables de demi-conclusions régulières, jusque le bienheureux tapage de la cadence finale. […] Dans la mesure où il perdait, ainsi, toute connexion avec le monde extérieur, son regard se tournait davantage, avec une plus claire voyance, à son monde intérieur. Et dans la mesure, aussi, où il se sentait, plus fortement, le possesseur de ce trésor intime, il produisait avec une plus sûre conscience, ses exigences au dehors : il demandait, maintenant, à ses protecteurs, comme seule grâce, que, cessant le payer de ses travaux, ils voulussent veiller à ce que, toujours, il pût travailler pour soi, à l’abri de tout dérangement extérieur.

1169. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Mais notre travail sera possible, en une certaine mesure, si au lieu d’entendre cette œuvre musicale, nous la revoyons, seulement, dans le souvenir. […] » Ce fut, toujours, non seulement pour la critique, mais encore pour les sentiments les moins prévenus, une pierre d’achoppement, de voir ici le Maître, tout à coup, sortir en une certaine mesure, de la musique, s’élancer hors du cercle enchanté que lui-même s’était tracé, pour faire appel, ainsi, à des moyens de représentation pleinement différents de la conception musicale. […] En résumé : 1° Dans la philosophie de Schopenhauer l’Art acquiert une énorme importance, car c’est l’Art qui est la source de toute connaissance ; c’est l’œil de l’Artiste qui pénètre le plus profondément dans les mystères de toute vérité. 2  Pour Schopenhauer toute vérité se mesure à la réalité de l’Âme contemplative.

1170. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Luisante et ronde tu frôles la cîme des monts comme la roue d’un char. » Et cet autre passage d’une mesure plus alanguie : « Il n’éprouvait pas à ses côtés ce ravissement de tout son être qui l’emportait vers Mme Arnoux, ni le désordre gai où l’avait mis d’abord Rosanette. […] Félicité, la simple bonne de Mme Aubain, porte au catéchisme où elle accompagne la fille de sa maîtresse, une sensibilité délicate et tactile, jusqu’à de pareilles élévations : « Elle avait peine à imaginer sa personne ; il n’était pas seulement oiseau mais encore un feu et d’autres fois un souffle, c’est peut-être sa lumière qui voltige la nuit, au bord des marécages, son haleine qui pousse les nuées, sa voix qui rend les cloches harmonieuses ; et elle demeurait dans une adoration, jouissant de la fraîcheur des murs et de la tranquillité de l’église. » En s’accoutumant à rendre le dialogue en style indirect, Flaubert se débarrasse encore, de la nécessité des modernistes, forcés de hacher leur phrase à la mesure de paroles lâchées. […] Il ploya sa longue stature à la mesure des fauteuils, sédentaire, sortant à peine, crispant ses gros doigts gourds sur le fétu d’une plume ; et la tête courbée, le sang au front, les yeux injectés, il pesa des syllabes, accoupla des assonances, équilibra des rhythmes, dégagea le mot juste de ses similaires, lia des vocables par d’indissolubles relations ; il peina, geignit et souffla à mettre en une forme à laquelle il requérait des qualités compliquées et rares, de précises images de réalité ou de grands rêves de beauté, qui, s’efforçant de prendre forme, subjuguèrent à cette tâche toute l’intelligence et tout le corps de cet énorme et vigoureux et lourd tailleur de gemmes.

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