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853. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Il n’est pas accablé sous le poids de sa matière comme un Atlas obstiné et trapu ; il se développe, se déploie, se dresse comme un beau corps d’athlète en qui la vigueur s’accorde avec la finesse et la sérénité. […] Partant, leur art est plus simple que le nôtre, et l’idée qu’ils se forment de l’âme et du corps de l’homme fournit matière à des œuvres que notre civilisation ne comporte plus. […] Les comédies de Ménandre que nous connaissons par celles de Térence sont faites pour ainsi dire avec rien ; il fallait en amalgamer deux pour faire une pièce romaine ; la plus chargée ne contient guère plus de matière qu’une seule scène de nos comédies. […] Cette pantomime musicale, que nous le rencontrons plus que par fragments isolés et dans des recoins perdus, se développera, se multipliera en cent rameaux et fournira matière à une littérature complète ; il n’y aura pas de sentiment qu’elle n’exprime, pas de scène de la vie privée ou publique qu’elle ne vienne décorer, pas d’intention ou de situation auxquelles elle ne puisse suffire. […] Mais le culte fournissait encore plus de matière à l’orchestrique que la politique et la guerre.

854. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

. — Mais bientôt, vers le milieu de l’hiver, après janvier, l’ordre des travaux, l’examen des livres à juger, dont quelques-uns curieux ou importants, la matière académique enfin, force l’attention, occupe et ressaisit tout le monde. […] Or, depuis trente ans, l’Académie a trop semblé réserver son opinion sur toute chose littéraire, et elle, si prodigue en appréciations politiques, elle a éludé, en revanche, le péril de dire son sentiment dans les matières de goût.

855. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Cette dévotion éloquente, cette invocation au christianisme du sein d’une carrière d’honneurs, de combats politiques ou de plaisirs, cette rêverie sauvage, cette mélancolie éternelle de René se reproduisant au sortir des guirlandes et des pompes, ces cris fréquents de liberté, de jeunesse et d’avenir, dans la même bouche que la magnificence chevaleresque et le rituel antique des rois, c’en était plus qu’il ne fallait pour déconcerter d’honnêtes intelligences qui chercheraient difficilement en elles la solution d’un de ces problèmes, et qui prouveraient volontiers, d’après leur propre exemple, que l’esprit est matière, puisqu’il n’y tient jamais qu’une seule chose à la fois. […] Mais la route, les grands chemins seulement, les rêves du poëte-ambassadeur, de Sterne-René, dans la vieille calèche autrefois construite à l’usage du prince de Talleyrand ; mais les paysages de Bohême, les conversations avec la lune où tous les souvenirs reviennent et se jouent, tantôt dans une moquerie légère, tantôt dans une ivresse voluptueuse qui ranime, comme sous des baisers, les plus chers fantômes ; mais Venise et la Zanzé de Pellico, et le Lido où l’enfant des mers salue avec amour ses vagues maternelles ; mais Ferrare, et la destinée du Tasse qu’il marie à la sienne, comme un poëme dans un poëme ; ce serait là matière à bien des réminiscences aussi, à bien des fuites sinueuses et des étincelles.

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