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578. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

, poétiquement un gautiériste… C’est là le mal commun de la poésie de ce moment du siècle… Or Gautier, c’est le symbole de Pygmalion renversé. […] Le soir, les soldats s’égaraient volontiers, au-delà du Guadalquivir, dans les faubourgs obscurs et mal famés. […] Là, au milieu d’un cercle de figures farouches, brigands de la Sierra, contrebandiers, bravaches, vauriens, dont les yeux ardents l’enveloppent de leurs effluves, quelque fringante fille, mal vêtue de haillons éclatants, se cambre dans une pose hardie.

579. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Il y avait bien eu Rouget de Lisle et La Marseillaise, ce canon de quatorze armées, mais La Marseillaise n’avait été que la voix de fer et de feu du patriotisme retentissant dans des vers mal faits, dont la musique était la seule poésie. […] Les Silves sont non seulement un recueil de vers médiocres, mal faits et souvent d’une platitude suprême, mais de plus ce fut un affreux désastre pour le poète, atteint par cette publication jusque dans le passé de son génie, Ce qui avait, en effet, marqué le génie d’Auguste Barbier de ce grand et exceptionnel caractère sur lequel j’ai tant insisté, ce fut son éruption sans fumée, l’élancement si subitement pyramidal de la flamme du volcan vers le ciel ; ce fut, enfin, ce premier coup d’archet, sans prélude, sans agacement préalable d’aucune corde, qu’on appelle La Curée, et qui ne pouvait s’élever d’une note de plus sans faire voler l’instrument en éclats ! […] Quoique le grand Corneille et le plus grand Shakespeare fussent de vigoureux travailleurs, qui se donnaient un mal infini pour tricoter leurs drames dans les conditions du Théâtre et des poétiques de leur temps, ils n’avaient point assez de métier, et quand Voltaire appelait Shakespeare barbare, c’était un reproche que le métier faisait au génie.

580. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Il réprime les séditions, le luxe, l’intérêt avide, source des crimes ; ou il empêche tous ces maux de naître, ou il les étouffe dès leur berceau. […] Qu’il imite l’Être suprême dont il est le ministre : Dieu est le créateur du bien ; jamais cet être juste et bienfaisant n’a créé le mal. […] Mais le choix est dangereux : la méchanceté adroite sait tromper ; et de tous les maux qu’elle fait, le plus funeste c’est qu’elle prend le masque des vertus, et abuse ainsi ou l’ignorance qui ne voit pas, ou la précipitation qui ne se donne pas le temps de voir.

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