Et véritablement, pour qui n’a pas abandonné l’observation et l’analyse, le Mysticisme, — quelle que soit la forme qu’il revêt, — n’est jamais qu’une aberration du sentiment religieux en vertu de sa propre force, si une autorité extérieure ne le règle pas et ne contient pas, d’une main souveraine, la turbulence de ses élans. […] Est-ce que le roseau qui perce le mieux la main humaine n’est pas le « roseau pensant » de Pascal ? […] Lui, dont les yeux sont fins et sûrs, n’a-t-il pas senti que, s’il les avait fixés profondément sur ce qui n’est pas seulement une distinction nominale, faite par la haute sagesse gouvernementale de l’Église, il n’aurait pu s’empêcher de voir, se détachant du fond commun des idées et des phénomènes imputés au Mysticisme, pris dans son acception la plus générale et la plus confuse, un autre mysticisme, ayant ses caractères très déterminés ; l’éclatante réalité, enfin, qui contient la vérité intégrale que la Religion seule met sous les mains de nos esprits, mais dont la Philosophie les détourne ? […] Saint-Martin fut un de ces ennemis du catholicisme, qui le frappèrent d’une main chrétienne.
Car il est misanthrope, Gobineau, comme doit l’être tout homme de cœur et d’esprit qui a passé trente ans, et on les a passés deux fois quand on est diplomate, quand on a aux mains— à ses blanches et irréprochables mains — de la malpropreté des hommes et des affaires, de cette infâme cuisine politique qui fait mal au cœur aux estomacs les plus solides ; il est misanthrope, et c’est la plus belle plume de son aile que cette misanthropie, qui donne à son accent toute sa profondeur et à son talent toute sa vérité. […] Voudriez-vous épargner cette tourbe, si vous teniez entre les mains un moyen sûr de la détruire ? […] Eh bien, la main sur le cœur, comme l’y mettait Talma dans Manlius (laissez-moi vous l’y mettre !)
Mais, ce qu’il y a de céleste et de divin, c’est d’avoir entre ses mains le bonheur des hommes, et de faire ce bonheur. […] Il est près du trône, et ta main y puise sans cesse : mais nous ne voyons point celui des gémissements, des larmes et du sang : il n’y en a point d’où se verse la terreur ; ou si ce tonneau fatal existe, il est fermé de toutes parts. […] Marc-Aurèle, voyant son armée prête à périr par la soif, leva ses mains au ciel : Ô Dieu, dit-il, je lève vers toi, qui donnes la vie, cette main qui ne l’a jamais ôtée à personne.