Hugo qui, dans le présent volume, a rimé de charmants messages de la Rose au Papillon, devrait mieux juger le maître antique. […] Hugo, loin d’avoir en rien l’organisation grecque, est plutôt comme un Franc énergique et subtil, devenu vite habile et passé maître aux richesses latines de la décadence, un Goth revenu d’Espagne, qui s’est fait Romain, très-raffiné même en grammaire, savant au style du Bas-Empire et à toute l’ornementation byzantine .
Aussi le jeune abbé, sous un tel maître, fut-il promptement au fait des vertus sociales, si bien qu’un jour M. de Malipiero, en finissant sa sieste plus tôt que de coutume, le trouva trop tendrement engagé dans son salon avec la jeune Thérèse, dont lui-même était épris, et dut y mettre ordre à coups de canne. […] Nous reviendrons une autre fois sur Casanova, et nous le suivrons à Paris où il se perfectionne dans le français sous le vieux Crébillon le tragique, singulier maître de langue, de qui il apprit, j’imagine, bien moins qu’il ne prétend.
Les maîtres de l’art peuvent en faire recevoir quelques-uns, lorsqu’ils les créent involontairement, et comme entraînés par l’impulsion de leur pensée ; mais il n’est point, en général, de symptôme plus sûr de la stérilité des idées, que l’invention des mots. […] Les idées en elles-mêmes sont indépendantes de l’effet qu’elles produisent ; mais le style ayant précisément pour but de faire adopter aux hommes les idées qu’il exprime, si l’auteur n’y réussit pas, c’est que sa pénétration n’a pas encore su découvrir la route qui conduit à ces secrets de l’âme, à ces principes du jugement dont il faut se rendre maître pour ramener à son opinion celle des autres.