Et ces spectacles contemporains et inévitables sont tellement inconnus à la masse des hommes, que notre école réaliste n’a d’autre mérite que de les relater fidèlement à ceux qui s’y meuvent jour par jour sous la taie de leurs yeux débiles. […] La plupart des artistes percevaient vivement plutôt, l’intérêt extrême de l’intrigue, la bizarrerie des personnages chez Dostoïewski, la merveilleuse force d’analyse, l’étendue de la composition chez Tolstoï, s’arrêtant ainsi de préférence à ce qu’ils ont de mérites techniques, et non à ce qui nous paraît avoir causé leur succès, à la violence, à l’ardeur inquiète dont ils ont exprimé leurs sentiments personnels dans leurs œuvres, à l’intensité et à la qualité de leurs émotions. […] La littérature parut se faire immorale en ce qu’elle exalta les actes et les conduites où la raison et les convenances cédaient aux inspirations de la sensibilité, en ce qu’elle plaça le mérite non plus dans la condition sociale acquise ou maintenue, dans le tact, dans l’honnêteté, dans l’honneur commercial ou mondain, mais dans la pureté et la noblesse du cœur, en ce qu’elle revendiqua pour les simples, pour les pauvres, pour les souillés la gloire de pouvoir être grands, bons dévoués, ardents et purs. […] Peu à peu dans cette école de poètes et de prosateurs, le souci de l’expression l’emporta sur celui de la chose à exprimer et comme la passion est un élément de trouble dans la belle ordonnance des périodes par les heurts et les interjections qu’elle affecte, comme les phrases parfaites s’appliquent mieux à des idées pures, mieux encore à de simples perceptions de couleur et de forme, les poètes et une partie des romanciers de l’époque impériale furent impassibles et descriptifs, d’un mérite artistique intellectuel et surtout pictural extrême, d’une grande science et d’une profonde observation, mais de peu de prise sur le public qui continuait à réclamer des œuvres moins achevées et plus frémissantes de passions humaines.
Il n’y a point de mérite dans l’intelligence seule ; il n’y a qu’un don : elle n’est pas libre de voir ou de ne pas voir, elle est pour ainsi dire fatale ; elle est un miroir, elle réfléchit forcément la création que Dieu lui présente à regarder. […] C’est de cet équilibre entre l’intelligence et le sentiment, équilibre rompu sans cesse par la passion, rétabli sans cesse par la conscience, que résulte la moralité ou l’immoralité, la force ou la faiblesse, le crime ou la vertu, en d’autres termes le mérite ou le péché de l’âme. […] XVI Mais si l’âme n’était qu’intelligence, elle serait sans activité, sans moralité, et par conséquent sans mérite. Sa seule activité serait de contempler, sa seule moralité serait de réverbérer les lueurs de Dieu en elle ; son seul mérite serait de faire un acte perpétuel, mais fatal et involontaire, de foi dans la création et dans le Créateur.
Daru publia en 1826 (3 volumes), eut moins de succès ; elle ne manque pourtant ni de mérite d’abord, ni d’intérêt. […] Daru ne soit point devenu le serviteur actif d’un nouveau régime, et que dans l’avenir son nom demeure attaché à un seul et incomparable règne par le clou de diamant de l’histoire. — En parlant ainsi, il ne saurait me venir à la pensée de faire injure à la Restauration, dont j’apprécie les mérites et les hommes : je ne songe qu’à l’unité dominante qu’on aime à voir dans l’étude d’une vie, à cette lumière principale qui tombe sur un front, et si en ceci je parais sentir un peu trop l’histoire en artiste, qu’on me le pardonne.