Son sujet, dans sa simplicité même, est double : il s’agit de présenter et de fixer dans la mémoire deux suites, celle de la Religion et celle des Empires : « Et comme la Religion et le Gouvernement politique sont les deux points sur lesquels roulent les choses humaines, voir ce qui regarde ces choses renfermé dans un abrégé et en découvrir par ce moyen tout l’ordre et toute la suite, c’est comprendre dans sa pensée tout ce qu’il y a de grand parmi les hommes et tenir, pour ainsi dire, le fil de toutes les affaires de l’univers. » Jamais prétention plus haute ne fut plus magnifiquement et plus simplement exprimée : c’est celle, ni plus ni moins, d’un vicaire de Dieu dans l’histoire. […] Pour aider la mémoire dans un résumé universel, il faut avoir des temps marqués, des époques ou moments d’arrêt, des stations élevées qui servent de point de repère. […] Un écrivain qui n’est pas un maître, mais qui est au moins un connaisseur en matière d’abrégé chronologique, le président Hénault, a écrit un mémoire où il passe en revue les principaux auteurs qui y ont excellé.
Vuillart, revenant sur les paroles de Racine qu’il a rapportées, en assure l’exactitude : « Je vous rapporte, monsieur, mot pour mot, les termes du petit testament de mort106, sans y ajouter ni diminuer le moins du monde : ils ont fait une telle impression sur ma mémoire que je crois qu’ils n’en sortiront jamais. » Le testament publié par Racine fils confirme la fidélité de cette relation de M. […] Despréaux demanda du secours pour tirer les mémoires qu’il lui faudrait de chez les secrétaires d’Ètat et d’ailleurs, et nomma M. de Valincour au roi, qui le lui accorda : sur quoi un homme d’esprit a dit que ce M. de Valincour serait le Résident de M. […] Despréaux a tous les papiers. » En accordant M. de Valincour comme historiographe adjoint, le roi eut donc bien soin de marquer à Despréaux qu’il entendait que lui seul eût « la plume et le style. » La fonction du nouveau collègue devait se borner à ramasser des mémoires ; on ne voit pas qu’il y ait été bien diligent, à moins que les papiers n’aient été détruits dans l’incendie qui dévora sa bibliothèque.
Si l’on se reporte au xvie siècle, et en choisissant ce qu’il y a de mieux, on a, par exemple, les Mémoires ou Commentaires de Montluc que Henri IV appelait « la Bible du soldat. » Les maximes et préceptes qu’en y trouve ne sont que de détail, et applicables seulement à la guerre de partisan, de pures recettes de stratagèmes : rien qui atteigne l’ensemble des opérations. […] Les Mémoires et les écrits du duc de Rohan marquent un pas, dit-on, dans la science, du moins pour la spécialité de la guerre de montagne. Les divers Mémoires de Monglat, de Saint-Hilaire, l’Histoire militaire du règne de Louis le Grand, par Quincy, donnent assez couramment au lecteur l’intelligence des mouvements qu’ils racontent et qu’ils exposent ; mais c’est surtout Feuquières qui est le grand critique de cette époque, et qui passe au crible les opérations de tous les généraux de son temps, sans faire grâce à aucun.