L’insubordination et l’indiscipline sont partout ; personne n’est craint ni obéi ; la rivalité et la désunion du duc de Richelieu et du prince de Soubise ont amené les désastres de la fin de la campagne ; on demande au maréchal de Belle-Isle et à Duverney pour la campagne prochaine des mémoires et des plans qui ne seront pas suivis. […] Il présente au Conseil un mémoire en ce sens, pour prouver la nécessité d’une seule et principale direction. […] Bernis avait dressé un mémoire pour le roi tout en faveur de Choiseul, et que Mme de Pompadour devait remettre. […] Je n’ai point fait le mémoire que vous m’aviez demandé sur M. de Stainville (c’est le mémoire au roi qu’il fit trois semaines après, et qu’il appelle son Testament), je ne veux pas proposer une chose qui ne vous plaît pas. […] Il fit son mémoire au roi ; il y développa assez énergiquement ses motifs et y produisit un exposé sans fard de la situation.
Le comte Roederer, dont le nom auprès des générations nouvelles ne réveillait guère que l’idée d’un personnage politique mêlé aux grands événements de la Révolution et du Consulat, s’est révélé tout d’un coup comme un écrivain très littéraire par son Mémoire sur la société polie et sur l’hôtel Rambouillet, imprimé en 1835. Ce mémoire, qui n’a pas été mis en vente, mais qui a été donné et distribué en toute bonne grâce, est devenu comme le signal de ce mouvement de retour au xviie siècle qui n’a fait que s’accroître et se développer depuis. […] Le volume suivant contiendra les mémoires historiques sur Louis XII, François Ier, et le Mémoire sur la société polie qui, dans la pensée de l’auteur, n’en était que la continuation et le couronnement. […] L’économie politique ensuite aura sa place ; mais ce qui donnera à cette collection un prix tout particulier, ce seront les mémoires du comte Roederer, composés tant des notices mêmes rédigées par l’auteur en vue de sa famille, que d’un choix entre les notes et lettres nombreuses qu’il a laissées à son fils. […] Quarante-huit ans après, c’était le même homme qui publiait son Mémoire sur la société polie ; ce qui faisait dire à M. de Talleyrand, parlant au fils de l’auteur : « Il y a une chose remarquable dans la vie de votre père, et qui n’est peut-être arrivée à personne avant lui, c’est qu’à cinquante ans de distance il a publié deux ouvrages, dont le premier a fondé sa réputation, et dont le second vient de la couronner. » En même temps et aux approches de 89, Roederer avait l’habitude et le besoin d’écrire sous forme plus courante et plus brève sur toutes les questions du jour, sur les événements ou conflits qui occupaient à Metz l’attention publique : en un mot, comme Franklin, il était par nature et par goût journaliste ; il le sera pendant une grande partie de sa vie, et conciliera, tant qu’il y aura moyen, ce genre de publication avec les hauts emplois et les dignités même de l’État.
Ayant à faire la part de Marolles dans le mémoire sur les gens de lettres dressé en 1662 par ordre de M. […] Il faut l’entendre parler de cette source de curiosité aimable : « J’ai parfaitement aimé ces choses-là, dit-il, et je les aime encore… Ceux qui ont été une fois touchés de cette sorte d’affection ne la sauraient presque abandonner, tant elle a de charmes par son admirable variété. » Il avait la mémoire présente de tout ce qu’il possédait en ce genre : on pouvait lui montrer une pièce quelconque ou antique ou moderne, il disait à l’instant s’il l’avait ou non parmi les siennes, et, dans ce dernier cas, il indiquait l’endroit juste où elle était classée : « Ce serait peut-être malaisé à croire d’un nombre aussi prodigieux que l’est celui des estampes que j’ai assemblées, si je ne l’avais éprouvé plusieurs fois. Mais le discernement des noms, des sujets et des manières, avec un peu de mémoire locale, fait tout cela sans beaucoup de peine. » Un jour, l’avocat Jean Rou, dont on a récemment publié les Mémoires 31, lui procura une des plus vives jouissances qui puissent chatouiller l’amour-propre d’un collectionneur. […] J’y opposerai seulement une certaine page des mémoires de Marolles où il se représente, sans y être obligé, comme singulièrement attaché à la pudeur, et n’ayant jamais manqué en rien d’essentiel aux devoirs de sa condition, et aussi cette autre page où, déplorant en 1650 la mort d’une petite fille née en son logis et sœur des deux autres personnes dont parle Jean Rou, il la regrette en des termes si touchants, si expressifs et si publics, que véritablement il ne semble pas soupçonner qu’on puisse attribuer sa douleur à un sentiment plus personnel : « Cela fait bien voir, dit-il simplement, ce que peut quelquefois la tendresse de l’innocence sur le cœur d’un philosophe quand il ne s’est pas dépouillé de toute humanité. » — Cette remarque faite pour l’acquit de ma conscience, chacun en croira pourtant ce qu’il voudra. […] [NdA] Mémoires inédits et opuscules de Jean Rou, avocat au Parlement de Paris, et depuis secrétaire-interprète des États généraux de Hollande, publiés par M.