/ 1774
270. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Sans parler de sa mère, femme forte, de vieille roche, l’inspiratrice et l’âme des résistances, et sur laquelle nous aurons tout à l’heure à revenir ; sans parler de sa femme, de cette fille de Sully, beauté toute jolie et mignonne, épouse des plus légères, mais fidèle politiquement et auxiliaire active et dévouée, Rohan avait pour second son frère : ce cadet, Benjamin de Rohan, connu sous le nom de Soubise, était l’homme de mer, l’amiral des Églises, de même que Rohan en était le généralissime sur terre et dans les montagnes. […] Rohan, dans ses mémoires destinés à être lus en manière d’apologie, témoigne être satisfait de cette paix provisoire : ses lettres et missives confidentielles, dont quelques-unes furent surprises et rapportées au cardinal, trahissaient moins de contentement, et ce traité si désavantageux pour le parti « mit les deux frères en tel désespoir, assure Richelieu, que Mme de Rohan la mère, ne sachant plus quel conseil donner à Soubise, le persuada, par une lettre interceptée, de se joindre aux corsaires moresques et de se retirer en Barbarie », plutôt que de se résigner à la loi du vainqueur. […] Quelque chose de ce sentiment austère et contristé se réfléchit dans la page suivante, où M. de Rohan, après avoir raconté la reddition de La Rochelle le 28 octobre (1628), ajoute du ton de fermeté et de fierté qui lui est propre : La mère du duc de Rohan et sa sœur4 ne voulurent point être nommées particulièrement dans la capitulation, afin que l’on n’attribuât cette reddition à leur persuasion et pour leur respect, croyant néanmoins qu’elles en jouiraient comme tous les autres ; mais comme l’interprétation des capitulations se fait par le victorieux, aussi le conseil du roi jugea qu’elles n’y étaient point comprises, puisqu’elles n’y étaient point nommées : rigueur hors d’exemple, qu’une personne de cette qualité, en l’âge de soixante-dix ans (et plus), sortant d’un siège où elle et sa fille avaient vécu trois mois durant de chair de cheval et de quatre ou cinq onces de pain par jour, soient retenues captives sans exercice de leur religion, et si étroitement qu’elles n’avaient qu’un domestique pour les servir, ce qui, néanmoins, ne leur ôta ni le courage ni le zèle accoutumé au bien de leur parti ; et la mère manda au duc de Rohan, son fils, qu’il n’ajoutât aucune foi à ses lettres, pource que l’on pourrait les lui faire écrire par force, et que la considération de sa misérable condition ne le fît relâcher au préjudice de son parti, quelque mal qu’on lui fît souffrir. […]  » Envoyée prisonnière à Niort, on essaya d’agir sur elle dans le cours de l’année suivante pour lui faire écrire à M. de Rohan de rentrer dans le devoir ; on mit en avant des tiers, qui, sans employer le nom du roi, l’exhortaient comme d’eux-mêmes et comme s’ils étaient mus par la seule considération de son intérêt et de celui de ses enfants : « Mais cette femme maligne jusques au dernier point, dit Richelieu, ne voulut jamais condescendre à s’y entremettre par lettres, disant pour prétexte que ce n’était pas un moyen assez puissant et qu’il fallait qu'elle y allât elle-même, ce que Sa Majesté refusa, sachant qu’elle ne le désirait que pour rendre le mal plus irrémédiable, et affermir son fils et ceux de son parti dans la rébellion jusqu’à l’extrémité. » Telle était cette mère invincible, qui portait dans la défense de sa foi l’âme des Porcia, des Cornélie, et des anciens Romains.

271. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Elle pleura son amie d’enfance, Albertine, qui mourait ; elle eut Délie qui fut une autre amie pour elle ; mère, elle aima, elle pleura sur un berceau et fit de charmants récits et des prières. […] J’ai été reçue et baptisée en triomphe, à cause de la couleur de mes cheveux, qu’on adorait dans ma mère. — Elle était belle comme une vierge, on espérait que je lui ressemblerais tout à fait, mais je ne lui ai ressemblé qu’un peu : et si l’on m’a aimée, c’était pour autre chose qu’une grande beauté. […] « On fit une assemblée dans la maison. — Ma mère pleura beaucoup. […] « Ma mère, imprudente et courageuse, se laissa envahir par l’espérance de rétablir sa maison en allant en Amérique trouver une parente qui était devenue riche. […] Les rues, les villes, les ports de mer, où il n’était pas, me causaient de l’épouvante ; et je me serrais contre les vêtements de ma mère comme dans mon seul asile.

272. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Peut-être parce que l’alouette présente le contraste d’un peu de joie au milieu de cette monotonie de tristesse et d’un peu d’amour maternel au-dessus de son nid, cette délicieuse réminiscence de nos mères ; peut-être parce que le grillon nous rappelle le désert aride de Syrie où le cri du même insecte anime seul au loin la route silencieuse du chameau sur les sables brûlés de la terre ; peut-être parce que ce bruissement et cet ondoiement d’épis mûrs sous la brise folle nous transporte par l’analogie de son sur les vagues ridées de l’océan au pied du mât où frissonne ainsi la toile. […] Ses vagues, quand elles lèchent sans bruit la grève de sable humide, rappellent la respiration douce du sommeil d’un enfant sur le sein de sa mère. — Émotion ! […] Si un navire en perdition apparaît et disparaît tour à tour sur la cime ou dans la profondeur de ses lames, on pense aux périls des hommes embarqués sur ce bâtiment, on voit d’avance les cadavres que le flot roulera le lendemain sur la grève, et que les femmes et les mères des naufragés viendront découvrir sous les algues, tremblant de reconnaître un époux, un père ou un fils. — Émotion ! […] Quand, jeune et déjà mère, autour de mon foyer, J’assemblais tous les biens que le ciel nous prodigue, Qu’à ma porte un figuier laissait tomber sa figue Aux mains de mes garçons qui le faisaient ployer, Une voix s’élevait de mon sein, tendre et vague. […] Il composait, pour la duchesse de Beauvillers, mère d’une jeune et nombreuse famille, un traité de l’Éducation des filles.

/ 1774