La Loi sera abolie ; c’est lui qui l’abolira 675. […] Il faut se rappeler que nulle idée des lois de la nature ne venait, dans son esprit, ni dans celui de ses auditeurs, marquer la limite de l’impossible. […] Pour lui, la nature et le développement de l’humanité n’étaient pas des règnes limités hors de Dieu, de chétives réalités, assujetties aux lois d’un empirisme désespérant. […] Nous verrons qu’il y fut traité comme « séducteur. » Le Talmud donne la procédure suivie contre lui comme un exemple de celle qu’on doit suivre contre les « séducteurs », qui cherchent à renverser la Loi de Moïse.
Un notaire, qui est son parrain et l’ami dévoué de sa mère, est bien forcé de lui apprendre qu’il est enfant naturel ; il lui révèle, en même temps, le nom de son père, Jacques court à ce père, qui s’excuse comme il peut de ne l’avoir pas reconnu et lui refuse la main de sa nièce, par toute sorte de raisons tirées des lois du monde. […] Dumas, c’est la forme incomplète et presque frivole qu’il a donnée à une question scabreuse et dramatique entre toutes, encore pleine de catastrophes et de larmes : celle du fils naturel, et de sa position, offensive et défensive à la fois, vis-à-vis de la loi qui le déshérite et du père qui l’a délaissé. […] Cette ingénue volontaire est vraiment trop forte sur le Code civil, trop ferrée sur le texte strict de la loi, trop résolue à la contrainte de la majorité envers ses parents. […] Mais, par un retour presque forcé des lois de la famille, et que l’auteur l’ait voulu ou non, le fils qui s’institue accusateur de son père plaide si mal sa cause, qu’il la perd, comme dans la pièce précédente.
Pour bien faire comprendre cette philosophie, il faudrait pouvoir exposer avec détail et précision toutes ces belles théories, qui resteront dans la science : la théorie de l’effort volontaire, par laquelle Biran établit contre Kant et contre Hume la vraie origine de l’idée de cause ; la théorie de l’obstacle, par laquelle il démontre, d’accord avec Ampère, l’objectivité du monde extérieur ; la théorie de l’habitude, dont il a le premier démontré les lois ; ses vues, si neuves alors, sur le sommeil, le somnambulisme, l’aliénation mentale, et en général sur les rapports du physique et du moral ; la classification des opérations de l’âme en quatre systèmes : affectif, sensitif, perceptif et réflexif ; enfin sa théorie de l’origine du langage. […] Ce qu’il y a d’effectif dans la nature, c’est la force et la loi : l’étendue n’est qu’un substratum mort, c’est le vide ; la force et la loi, c’est déjà l’esprit, non pas de l’esprit pour soi, comme disent les Allemands, mais de l’esprit en soi. […] On n’a jamais pu tirer du matérialisme d’autre morale ni d’autre droit que la loi du plus fort.