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411. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Supposez encore un petit succès du même genre et on peut parier qu’il n’y aura plus ni Monsieur ni Madame Haller, mais une Madame dont on commence à cancaner le nom dans cette loge de portier qu’on appelle Paris, quoiqu’elle soit toujours jusqu’ici Gustave Haller, en littérature. […] Elle ouvre boutique de littérature, et volontairement elle se place sous la coupe de la Critique, de celle-là qui n’est pas galante, et qui pourrait bien couper… II Vertu. […] On s’attendait à une audace, à quelque paradoxe hardi sous ce pavillon de Vertu, si fastueusement étalé et qui ne dit rien, s’il ne dit beaucoup ; car, excepté dans les romans, marqués à la sale patte du Réalisme contemporain, où l’on abolit la loi d’art des contrastes et où l’on vous sert du vice tout pur, sans aucun mélange ; excepté dans ces monstrueuses compositions qui sont la fin de toute littérature, il y a toujours dans les livres vrais comme dans les plus faux, une prétention à la vertu quelconque, depuis l’admirable Clarisse de Richardson qui pourrait aussi s’appeler Vertu, jusqu’à l’impossible Jacques de Mme Sand, qui a de la vertu, selon elle, puisqu’il se sacrifie héroïquement à l’amant de sa femme et se tue pour, lui donner son lit. […] Procédé, en art, grossier et élémentaire ; indigne d’un conteur, qui vient à cette heure avancée de la littérature. […] Ce pouce-là n’est guère attaché à la main des femmes qui, pour la plupart sont, plus ou moins, de Petits Poucets, en littérature.

412. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Puisqu’on a songé à le donner aux divers écrits de Daumas, qu’on nous permette de dire quelques mots sur cette espèce de panoplie littéraire, faite avec des livres beaux et étincelants comme des armes, et qui devront tenir une si noble place dans la littérature historique et militaire de notre temps. […] Selon nous, ces espèces de capacités sont les meilleures, les plus nettes, les plus lumineuses qu’il y ait eu jamais parmi les hommes, et la littérature qui en est l’expression, soit sur les choses de la guerre, soit sur les choses de la politique et de l’histoire, est certainement la littérature où se trouvent relativement le plus d’œuvres supérieures et le moins d’œuvres médiocres… La cause de cela ne vient point seulement de ce que la vie militaire est une grande école pour le caractère, et qu’à une certaine profondeur le caractère et l’intelligence confluent et s’étreignent. […] Cela nous enivra de cette poésie vierge et primitive, si puissante sur les palais blasés que nous ont faits les vieilles littératures compliquées, curieuses et bizarres. […] Tout ce qui l’exalte, tout ce qui la raconte, tout ce qui nous apprend à l’aimer, tout ce qui nous fera mettre notre main dans sa main, notre cœur sur son cœur, est, littérature à part, digne d’applaudissement, d’encouragement, de popularité.

413. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Le vieux mot qu’on a tant répété : « la littérature est l’expression de la société », n’est plus juste. […] La société n’est plus comme autrefois le fond même de la littérature, c’est bien plutôt la littérature qui est devenue le fond même de la société. […] nous ne sommes pas les ennemis de la littérature dramatique. Nous pensons qu’en les dirigeant, qu’en exerçant sur eux la haute main qu’ils doivent toujours sentir, invisible et présente, sur leur tête, les théâtres peuvent servir à mieux qu’à l’amusement, c’est-à-dire à l’éducation des peuples ; seulement, ici, oserait-on vraiment nous opposer la littérature dramatique ?

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