Toute réussite pratique et toute œuvre admirée, toute gloire de tout ordre, littéraire, artistique, militaire, religieuse, politique, industrielle, comprend donc les mêmes éléments, le même accord entre esprits supérieurs et inférieurs : l’œuvre, l’entreprise, est d’abord une conception, résultant, de plus en plus profondément, de l’intelligence acquise et originelle de son auteur, de la constitution de son cerveau, de tout son corps, des influences obscures encore qui l’ont formé tel : elle est ensuite cette conception détachée pour ainsi dire de son auteur et y tenant, comme un germe issu d’un être, passée de ce cerveau à d’autres, où elle se répercute, se reproduit, renaît, redevient efficace et cause des actes ou des émotions analogues à ceux qui existent dans l’âme primitive : cette reproduction, son degré marquent la similitude entre l’âme réceptrice et l’âme émettrice, en vertu du fait que les phénomènes psychiques d’un individu forment une série cohérente, en vertu encore du fait qu’une conception suppose la coopération de toute une série de rouages mentaux et qu’ainsi le fait de partager pleinement une conception montre ta similitude de ces rouages. […] Il est inutile d’exposer que la naissance d’attractions littéraires ou le dévouement à des causes communes, coïncide avec le relâchement des liens de clan, de cité, de nation, de famille ; que les arts aussi bien que l’humanitarisme tendent à favoriser le cosmopolitisme, et qu’ainsi les liens d’une admiration ou d’une entreprise générale remplacent en un sens ceux du sang. […] Dans l’esthopsychologie des littérateurs, dans la psychologie biographique des héros, ces hommes sont mis debout analysés et révélés par le dedans, décrits et montrés par le dehors, reproduits à la tête du mouvement social dont ils sont les chefs, érigés, eux et leurs exemplaires, un et plusieurs, individus et foules, en des tableaux qui, basés sur une analyse scientifique nécessitant le recours à tout l’édifice des sciences vitales, et sur une synthèse qui suppose l’aide de toute la méthode historique et littéraire moderne, peuvent passer pour la condensation la plus haute et la plus stricte de notions anthropologiques que l’on puisse accomplir aujourd’hui. […] La biographie pure, si clic suffit à nous expliquer un Alcibiade ou un Alexandre, un César même et à peine, ne parvient déjà plus à nous donner le sens intime ni de Frédéric le Grand, ni de Napoléon Ier, ni de M. de Bismarck ; il faut la correspondance et les œuvres littéraires de l’un, le mémorial, les bulletins, les lettres, les paroles de l’autre ; la correspondance ou les discours parlementaires du chancelier ; or le recours à ces ressources est du domaine de la critique scientifique, qui demeure ainsi, en somme, avec tous les auxiliaires dont elle s’entoure, le moyen le plus efficace de connaître tout entiers les esprits dont l’existence a compté et dont la gloire consiste à se survivre. […] Enfin, dans une troisième partie, l’analyste écartant la théorie insuffisante de l’influence de la race et du milieu qui n’est exacte que pour les périodes littéraires et sociales primitives, considérant l’œuvre même comme le signe de ceux à qui elle plaît, et tenant en mémoire qu’elle est d’autre part le signe de son auteur, conclut de celui-ci à ses admirateurs.
L’atmosphère littéraire, en ces temps de polémiques, était nerveuse. […] Mêlé de très près au mouvement artistique, littéraire et musical de ces trente dernières années, M. […] Ivresse littéraire. […] De là, sans doute, l’attrait qu’a pour le Français le divertissement de la querelle littéraire. […] Ceux-là dépitent les amateurs de pèlerinages littéraires et échappent à leur sympathie posthume.
C’est bien le spectacle qu’a donné l’école littéraire issue de cette philosophie. […] Elle n’est que la moitié de la qualité littéraire d’un beau roman. […] Elle enveloppe en elle une révolution dans la façon d’interpréter l’œuvre littéraire. […] Il séduisait les littéraires par son humanisme savant et délicat. […] Ces deux années d’une terrible guerre n’ont étouffé ni l’artiste littéraire, ni le philosophe chez l’officier.