A Mulhouse, alors ville suisse dépendant du canton de Bâle, il prend un plaisir infini à voir « la liberté et bonne police de cette nation. » Il en goûte l’esprit d’égalité. […] Il juge très bien, à première vue, du changement de configuration du sol, et de l’ensevelissement de l’ancienne Rome : la forme des montagnes et des pentes n’est plus du tout la même, et il tenait pour certain « qu’en plusieurs endroits nous marchions sur la tête des vieux murs et sur le faîte des maisons tout entières. » La liberté de vie à Rome lui paraît bien différente de celle de Venise : la sûreté y manque.
Le maréchal de Noailles, commandant à la frontière du Nord, a obtenu du roi la liberté de lui écrire directement sur les affaires militaires : il lui demande la même permission pour la politique en général : « Il est presque impossible, écrit-il au roi, de former aucun plan particulier avec solidité, sans embrasser le tout. Les affaires se tiennent par des liaisons qui les mettent dans une dépendance nécessaire les unes des autres, et ce n’est que par la combinaison de toutes les parties qu’on doit se décider sur ce qu’il est le plus avantageux de faire pour chacune d’elles en particulier. » Le maréchal de Noailles est âgé de soixante-quatre ans à cette date ; il représente une longue expérience acquise, il est un des rares demeurants du dernier règne ; il peut dire au roi avec autorité sur presque chaque sujet : « Le feu roi, votre auguste bisaïeul, pensait… le feu roi, votre auguste bisaïeul, disait… » Il s’offre pour ce genre de conseil avec un dévouement passionné, qui n’est pas sans dignité jusque dans son expansion : « Jusqu’à ce qu’il plaise à Votre Majesté de me faire connaître ses intentions et sa volonté, me bornant uniquement à ce qui regarde la frontière dont elle m’a donné le commandement, je parlerai avec franchise et liberté sur l’objet qui est confié à mes soins, et je me tairai sur tout le reste, toujours prêt, cependant, à vous exposer, Sire, lorsque vous le voudrez, etc., etc.
Jasmin peut se permettre, avec sa qualité, avec sa profession, bien des libertés et des familiarités railleuses ; il peut ne s’épargner aucun des bons mots qui naissent du sujet ; il dira que le peigne et la plume vont très-bien ensemble, et que tous deux font un travail de tête ; il dira à ses confrères poëtes qu’il les défie, et qu’il est bien sûr, après tout, de leur faire la barbe d’une façon ou d’une autre ; il ajoutera qu’il n’est pas moins sûr de ne jamais perdre son papier, et que, si ses vers sont mauvais,… eh bien, il en fait des papillotes. […] De plus, les souvenirs des chansons de Béranger y abondent, et la Liberté de juillet elle-même, d’après Jasmin, ne semble pas très-différente de celle qui se dresse, si reconnaissable, dans les vers de M.