— Esprit de liberté ! […] Grenier est un esprit essentiellement moderne ; il l’a assez prouvé dans une brochure curieuse intitulée : Idées nouvelles sur Homère (1861), dans laquelle il s’exprime en pleine liberté sur ce père de toute poésie, et en sens contraire de l’opinion commune. […] On a délivré le tronc, et on ne lui a pas rendu la liberté des membres.
Pour les républiques populaires, il faut distinguer deux époques tout à fait différentes, celle qui a précédé l’imprimerie, et celle qui est contemporaine du plus grand développement possible de la liberté de la presse ; celle qui a précédé l’imprimerie devait être favorable à l’ascendant d’un homme sur les autres hommes, les lumières n’étant point disséminées ; celui qui avait reçu des talents supérieurs, une raison forte, avait de grands moyens d’agir sur la multitude ; le secret des causes n’était pas connu, l’analyse n’avait pas changé en science positive la magie de tous les effets. Enfin, l’on pouvait être étonné, par conséquent entraîné ; et des hommes croyaient qu’un d’entre eux était nécessaire à tous ; de là les grands dangers que courait la liberté, de là les factions toujours renaissantes, car les guerres d’opinions, finissent avec les événements qui les décident, avec les discussions qui les éclairent ; mais la puissance des hommes supérieurs se renouvelle avec chaque génération, et déchire, ou asservit la nation qui se livre sans mesure à cet enthousiasme ; mais lorsque la liberté de la presse, et ce qui est plus encore, la multiplicité des journaux rend publiques chaque jour les pensées de la veille, il est presque impossible qu’il existe dans un tel pays ce qu’on appelle de la gloire ; il y a de l’estime, parce que l’estime ne détruit pas l’égalité, et que celui qui l’accorde, juge au lieu de s’abandonner ; mais l’enthousiasme pour les hommes en est banni.
Voici que pour la première fois l’éloquence politique semble se constituer chez nous, par la coïncidence heureuse du retour à l’antiquité, qui offre les grands modèles, et d’un demi-siècle de discordes, qui, affaiblissant le pouvoir central, ouvrent aux divers corps de l’État la liberté de la parole218. […] Puis, il faut la liberté politique pour élever l’éloquence judiciaire au-dessus de l’argumentation strictement juridique et des gros effets de cour d’assises. […] Pasquier donna cours à toute sa passion gallicane, et fit un plaidoyer vigoureux, mordant, parfois injurieux, qui, même pour nous, a de la chaleur et de l’intérêt : élargissant le débat, il traita de l’institution même des Jésuites, de leurs principes et de leur doctrine, de la question générale de l’enseignement laïque et de l’enseignement ecclésiastique, usant de la liberté du temps pour se lancera fond dans des discussions qui sont encore actuelles et brûlantes.