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281. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

L’opposition des deux principes, dans le dualisme en général, se résout en la triple opposition de l’inétendu à l’étendu, de la qualité à la quantité, et de la liberté à la nécessité. […] 3º Mais si l’on envisage ainsi les rapports de l’étendu à l’inétendu, de la qualité à la quantité, on aura moins de peine à comprendre la troisième et dernière opposition, celle de la liberté à la nécessité. […] Même alors, la liberté ne sera pas dans la nature comme un empire dans un empire. […] Ainsi, qu’on l’envisage dans le temps ou dans l’espace, la liberté paraît toujours pousser dans la nécessité des racines profondes et s’organiser intimement avec elle. L’esprit emprunte à la matière les perceptions d’où il tire sa nourriture, et les lui rend sous forme de mouvement, où il a imprimé sa liberté.

282. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Si, chez les Anglo-Saxons et les Flamands, la liberté d’association est une des libertés « cardinales », en Allemagne toute réunion reste soumise, à la haute surveillance de la police ; en France, lorsque plus de vingt personnes se réunissent sans autorisation préalable, c’est un délit159. […] Les modernes sont portés à demander, à tous les groupements, même à l’État, ce pour quoi ils sont constitués, et à mesurer en conséquence la part de liberté qu’ils leur aliènent. […] Au milieu du conflit des autorités qui se font contrepoids, la liberté individuelle peut rester debout. […] Dareste, « La liberté d’association », dans la Revue des Deux-Mondes du 15 octobre 1891. […] D’après Prins, L’Organisation de la Liberté 162.

283. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Les peuples mûrs et touchant à la décadence veulent des portraits peints en traits de sang, des retours vers la vertu antique, des larmes amères sur la corruption présente, des sentences brèves, mais succulentes, jaillissant de l’événement comme le cri des choses, enfin une philosophie à la fois plaintive et amère, qui consterne et qui relève l’âme par l’honnête et douloureux contraste entre l’image de la vertu antique et le désespoir de la liberté perdue ! […] Rome entière, avec ses grandeurs et ses bassesses, avec sa liberté et sa servitude, avec ses noblesses et ses abjections, avec ses vertus et ses forfaits, s’est résumée dans ce seul homme. […] Son adoption était un retour à la liberté et aux mœurs. […] « Sous Tibère, sous Caïus, sous Claude, nous fûmes comme le patrimoine d’une seule famille ; aujourd’hui, à la place de la liberté, nous aurons du moins l’élection de nos maîtres. […] « Souviens-toi que tu vas commander ici à des hommes aussi incapables de supporter une entière liberté qu’une entière servitude. » L’invention d’une telle éloquence dans l’historien ne suppose-t-elle pas dans Tacite toutes les qualités d’homme d’État, de philosophe, de politique consommé, de vieillard expérimenté des choses et des caractères, et enfin d’orateur d’État, qualités que l’historien prête au vieux Galba ?

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