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1344. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Vous n’y trouverez que ce problème résolu de la vie future, pressentie, et nécessitée par la misère de la vie actuelle et par la lettre, la lettre même des promesses divines. […] Comme la plupart des mystiques, — et des mystiques libres qui vagabondent sur le terrain sans assiette de l’examen individuel, — la femme des Horizons célestes peut aberrer ou aller trop loin dans la lettre même de son ouvrage, mais elle doit être pardonnée pour la pureté de ses motifs et la beauté de ses affections. […] Quand elle est le plus protestante, dans ce livre qu’elle publie aujourd’hui, elle prend la lettre des Écritures et l’invoque et la cite avec une simplicité d’enfant, au lieu de la torturer pour y chercher l’esprit qui n’y est pas, comme tant de protestants dans leurs gloses orgueilleuses.

1345. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Qu’est-ce que ses Lettres à M.  […] Il eut, — on le savait déjà parmi ceux qui l’avaient connu, mais ses Lettres récemment publiées l’ont appris à ceux qui ne le connaissaient pas, — il eut toutes les grâces que le monde adore et tout l’imposant qu’il respecte. […] … Que lui, l’étincelant Rivarol, ce bel esprit dans toute la splendeur du mot, cette mitrailleuse d’épigrammes qui en faisait un feu roulant à propos de tout et partout, soit devenu journaliste à une époque où toute la France se ruait aux journaux et que les lettres françaises s’enfonçaient dans la fondrière de la politique, qui les souille toujours et qui les étouffe, c’était là un malheur, sans doute, mais ce n’est pas ce qui peut surprendre. […] Dandy audacieux pour un cuistre d’homme de lettres, il osa porter l’habit rouge comme le comte d’Artois, alors dans toute sa magnificence (voir leurs portraits à tous les deux), et vraiment, quand on regarde ces portraits et qu’on les compare, on ne sait trop lequel des deux est le plus prince… Il y a des femmes qui diraient que c’est Rivarol !

1346. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

À la lettre, c’est une perfection. […] En ces lettres, écrites de 1844 à 1855, le poète du Romancero et des Légendes devient le plus terrible des Nosographes. Dans ces lettres, il se regarde, se décrit, s’analyse, prend incessamment l’étiage de l’horrible maladie à laquelle il est en proie, qui grimpe le long de son épine dorsale et va tout à l’heure monter jusqu’au cerveau, et l’appréhender et l’éteindre brutalement, ce cerveau splendide !! En vain nous dit-il, entre deux morsures du mal sous lequel il a succombé, que « malgré ses souffrances, il est gai, et que les pensées joyeuses le hantent », je ne connais, moi, rien de plus navrant que ces lettres dans lesquelles l’enchanteur intellectuel qu’il était, en conversation aussi animé, aussi éclatant, aussi poète que dans ses livres, sent la paralysie lui infliger l’affreux mutisme de l’impuissance, et se peint tête à tête avec sa femme deux heures durant, sans pouvoir rien lui dire, lui qui l’adore !

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