L’artiste est sans doute libre de mentir, pourvu qu’on ne s’en aperçoive pas ; mais de nos jours où, chez tout lecteur, on éveille l’esprit critique, le mensonge devient, aussitôt visible et enlève leur force aux représentations évoquées. […] L’émotion sympathique du lecteur est toujours en raison inverse de la dépense d’attention qu’on a exigée de lui. […] L’art de l’écrivain est de circonscrire assez entièrement l’esprit du lecteur pour le faire entrer dans le cercle de ses idées à lui, pour lui fermer l’oreille à tous les bruits du dehors. […] L’art de la description consiste surtout à faire coïncider les images qui passent dans l’esprit de l’écrivain non avec des souvenirs vagues et effacés dans l’âme du lecteur, mais avec des souvenirs vibrants encore. […] Par là même, c’est arrêter chez le lecteur l’émotion sympathique.
« Ô mon honnête et biénveuillant Lecteur, c’est que je n’ai jamais voulu rien écrire d’imaginaire ! […] Le lecteur se perd dans tous ces mots et arrive à la fin de la description sans avoir aucune idée du pays décrit. […] Sa naïveté intéresse, le lecteur s’attache à lui et pense souvent « pauvre Gérard ! […] Quelquefois aussi l’auteur abuse de la description, tombe dans les minuties inutiles et fatigue le lecteur. […] Son livre est bien moins raisonnable que le précédent et ne laisse pas d’idées nettes dans l’esprit du lecteur.
Ne m’en demandez pas plus long, je vous le dirais et je ne le dois pas : vous seriez obligé d’avoir des secrets pour vos lecteurs, et cela vous coûterait. […] Ici commence le Réveil, la partie tragique que je ne veux pas raconter pour ne pas déflorer les impressions douces et amères qu’éprouvera le lecteur. […] Tous ces mots ont leur raison d’être, de par leurs étymologies, mais quelle peine, quel travail pour le lecteur ! […] Je m’arrête et je renvoie, pour son plaisir, le lecteur à ce livre qui est déjà dans toutes les mains. […] De là, la passion, pour ou contre, des lecteurs.