Ce sont deux conquérants pacifiques qui ont planté le drapeau de leur langue et de leurs idées bien au-delà des limites de leur nation et de leur langue. […] Le succès fut soudain, immense, universel ; la langue de Racine était retrouvée et appliquée à l’histoire de France. […] C’est sous les auspices de Pope qu’il se perfectionna dans la connaissance de la langue anglaise, et qu’il lut les tragédies de Shakespeare. […] Le peuple, sans le comprendre tout à fait, voyait dans ce vieillard le précurseur d’on ne sait quel inconnu, dans les idées et dans les choses, qui devait être la Révolution française ; les hommes de lettres saluaient en lui leur roi, l’Académie le maître de la langue, les comédiens français le maître de la scène pendant soixante ans de triomphe ; la cour venait adorer en lui la mode, cette seconde royauté de la France.
A six ans, il « lisait aux quatre langues », française, grecque, latine et hébraïque. […] Il n’y a rien de plus grand en notre langue que ces pages finales des Tragiques, malheureusement un peu troubles et mêlées, par la faute de l’auteur qui n’a pas daigné nettoyer son chef-d’œuvre, et retirer les pièces manquées et mal venues. […] Ils sont les langues de la pensée, toujours promptes et adroites, les messagers parleurs du muet désir, hiéroglyphes et livres où l’on peut déchiffrer les secrets du cœur, — vifs et purs miroirs où transparaît tout ce qu’enferment les profondeurs de la poitrine275 », etc., etc. […] Dès le début du siècle, la langue espagnole était familière à la plupart des gentilshommes et des dames : mais les livres pénétraient plus lentement, et ce n’est guère avant 1630 qu’on sent une forte action du génie castillan sur la littérature française. […] De celui-ci pourtant Maynard279 a pris le soin de la langue et du vers, la poursuite acharnée de la netteté et de la justesse : « Mes vers français, disait-il, ont tant de peine à me satisfaire, que de 100 j’en rejette 90 ».
Ils n’avaient pas sous les yeux, pour peindre l’homme, l’idéal du Clovis, le guerrier sans faiblesse, toujours égal à lui-même, que son courage n’emporte ni ne trahit jamais, un héros dans la langue des romans, un parfait dans la langue de la théologie. […] Personne ne les y avait introduites, sinon cette douce autorité qu’exerçaient les arts de la Grèce vaincue sur Rome victorieuse : Græcia capta ferum victorem cepit… et que sentirent, quinze siècles plus tard, ces vieillards de la Renaissance, qui venaient s’asseoir sur les bancs des écoles pour y apprendre la langue de l’Iliade. […] Si Lamotte n’entend rien à Homère, l’ignorance de la langue n’en est pas la seule cause. […] Cette précaution prise, on peut se donner le plaisir de les admirer, soit qu’ils appliquent à des réformes sensées les vérités spéculatives du siècle précédent, et que, dans un combat nécessaire contre les abus, ils se servent, au risque de les souiller de poussière, de ces belles armures de guerre enlevées du musée où elles pendaient oisives, soit qu’ils emploient la méthode et la langue du dix-septième siècle à exprimer des vérités nouvelles dans la science des sociétés humaines, ou des découvertes dans la science de la nature.