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681. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Il en est résulté un beau livre, accompagné de tout ce qui peut le faire valoir, plan, vues, gravures, et surtout formé et nourri à chaque page de cette excellente langue du xviie  siècle, que Mme de Maintenon avait amenée à sa perfection et que parlaient les premières élèves de Saint-Cyr. […] En définitive, les personnes de cette génération, qui avaient goûté Fénelon, Racine, et qui s’en ressouvenaient tout en s’en étant guéries, réalisèrent seules la perfection de l’éducation, de la grâce et de la langue de Saint-Cyr : après elles, on garda encore les vertus essentielles et les règles, mais le charme s’était envolé, et peut-être aussi la vie. […] Sa langue même si pure se répandait sur ces jeunes personnes qui l’écoutaient, et sa grâce inimitable se renouvelait avec naturel dans leur bouche. […] Pendant son agonie, elle devint beaucoup plus belle qu’elle n’avait été dans le temps de sa meilleure santé ; mais c’était une beauté toute céleste qui inspirait de la dévotion, et nous la regardâmes mourir avec ravissement… La langue de Saint-Cyr forme une nuance à part dans celle du siècle de Louis XIV ; Mme de Caylus en est la fleur mondaine ; on sent qu’Esther y a passé, et Fénelon également.

682. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

M. de Marolles a traduit les poètes romains en notre langue française, avec une naïve expression, rendant pensée pour pensée autant qu’il l’a pu faire pour ce qui est de ceux qui ont gardé étroitement les lois de la pudeur ; et pour les autres il a touché si adroitement aux endroits périlleux qu’on peut dire qu’il les a purifiés. […] La plupart de ces livres n’ayant jamais été traduits auparavant, on est fort obligé à un auteur qui a pris la peine de les mettre en notre langue. Cela est très nécessaire pour la satisfaction de ceux qui ne savent pas la langue latine, et cela donne même du soulagement à ceux qui la savent, ne trouvant pas toujours les explications si prêtes. […] Chapelain donc, écrivant au docte Nicolas Heinsius, « secrétaire latin de messieurs des États à la Haye », portait ce jugement péremptoire qui embrassait et sapait l’entreprise du fécond traducteur dans les douze premières années, qui sont encore les moins mauvaises de toutes (2 janvier 1659) : Cette traduction française de Stace par l’abbé de Marolles est un de ces maux dont notre langue est affligée.

683. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Excellent sujet, doué de docilité et d’application, il réussit dans les diverses facultés de l’enseignement ; mais on a remarqué que, bien que d’abord assez fort en grec, il négligea ensuite presque entièrement cette langue. […] La Description d’une petite métairie excéderait ici les bornes permises ; mais ce que je tenais à faire remarquer, c’est que, dans ce livre, où il y a trace à peine de formes exotiques, Sismondi a eu à son service une langue technique, appropriée, colorée même (relativement à l’époque), une langue voisine des choses qu’il voyait sans cesse et au sein desquelles il habitait. […] Elle aura beau l’entendre, le savoir, lire le Dante mieux que les trois quarts et demi des nationaux, elle ne trouvera jamais dans toute la langue de quoi faire aller une conversation comme il la lui faut… » Sismondi profita des conseils.

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