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674. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Les jeunes commerçants se mettent rapidement en état de parler cinq ou six langues. » Les ouvriers, en quelques mois, deviennent capables d’exercer un métier même difficile. […] Comparez la première et la plus puissante des éducations, celle que donne la langue, en Grèce et chez nous. Nos langues modernes, italien, espagnol, français, anglais, sont des patois, restes déformés d’un bel idiome qu’une longue décadence avait gâté et que des importations et des mélanges sont encore venus altérer et brouiller. […] Il n’y avait pas de distance chez eux entre la langue des faits sensibles et la langue du pur raisonnement, entre la langue que parle le peuple et la langue que parlent les gens doctes ; l’une continuait l’autre ; il n’y a pas un terme dans un dialogue de Platon que ne sache un adolescent qui sort de son gymnase ; il n’y a pas une phrase dans une harangue de Démosthènes qui ne trouve pour se loger une case toute prête dans le cerveau d’un forgeron ou d’un paysan d’Athènes. […] Telle était cette langue grecque dont nous n’avons plus que le squelette.

675. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Le plus autorisé des critiques de la langue et de la littérature italiennes, le célèbre Guicciardini en parle en ces termes : « Mais dans cette décadence des lettres, après Dante, Pétrarque, il s’éleva un homme qui les préserva d’une ruine absolue et sembla l’arracher du précipice prêt à l’engloutir : c’était Laurent de Médicis, dans les talents duquel elle trouva l’appui qui lui était devenu si nécessaire. […] Après des études précieuses dans la maison du prince, son père, il vint à Rome et offrit de soutenir une joute littéraire sur vingt-deux langues et sur neuf cents questions philosophiques. « C’était, dit son rival Politien, un homme ou plutôt un être extraordinaire, à qui la nature avait prodigué tous les avantages du corps et de l’esprit. […] Ses connaissances profondes dans toutes les parties de la philosophie étaient encore étendues et fortifiées par l’avantage de posséder plusieurs langues, et par l’instruction qu’il avait sur toutes les sciences dignes d’estime ; en sorte que l’on peut dire qu’il n’y a point d’éloges qui ne soient au-dessous de son mérite. » Il mourut jeune. […] « Hier, écrivait-il à son illustre protecteur, hier j’allai voir la célèbre Cassandra, à laquelle je présentai vos hommages ; c’est véritablement une femme étonnante par la profonde connaissance qu’elle a de sa langue naturelle et de la langue latine : je lui trouve une physionomie très agréable ; je l’ai quittée plein d’admiration pour ses talents.

676. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Nos grands poètes empruntent un sujet pour le mieux disposer, des scènes, pour les lier plus étroitement ; des détails ou des expressions, pour les inventer dans notre langue. […] Plaute a bien fait parler un Carthaginois en langue punique devant des spectateurs de Rome. […] L’une de ces conventions est qu’une tragédie soit écrite, non seulement dans la langue des spectateurs, mais aussi en vers et en très beaux vers. […] Nous entendons bien ce que veut dire le mot romanesque ; il s’applique à des histoires fabuleuses du genre de celles qu’on écrivait, au moyen âge, dans les jargons appelés Romans, ou romains rustiques, grossières altérations de la langue latine, informes ébauches des langues modernes.

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