Avec tout ce que nous savions de l’auteur, nous pouvions craindre que ces livres, d’une spécialité si restreinte et d’une technologie presque savante, pensés par un talent très fin, très particulier, très genuine, — comme ils disent si bien en Angleterre, — lequel ajoutait son originalité native à tous les schibboleth d’une société très élevée qui a aussi son genre de langage, ne franchît pas les limites de cette société et y concentrât son succès.
Nous admettrons volontiers, quant à nous, l’existence de représentations collectives, déposées dans les institutions, le langage et les mœurs. […] C’est uniquement pour la commodité du langage, et pour la raison toute négative que ces diverses opérations ne sont ni perception, ni mémoire, ni travail logique de l’esprit. […] De cette confusion nous sommes à peine libérés aujourd’hui ; la trace en subsiste dans notre langage. […] Selon les uns, le « mana » serait un principe universel de vie et constituerait en particulier, pour parler notre langage, la substance des âmes. […] Notre philosophie et notre langage posent la substance d’abord, l’entourent d’attributs, et en font alors sortir des actes comme des émanations.
Sans doute le beau langage, les images déterminaient en lui des associations imprévues, lui donnaient l’illusion que dans l’écrit se trouvait la pensée en lui déclenchée. […] La préciosité du sentiment n’explique pas toute la préciosité du langage, mais elle la prépare et s’harmonise avec elle. […] Dès qu’elle s’est appliquée à élaborer un langage, elle a produit comme son fruit naturel la périphrase. […] C’est une des tournures favorites de Mallarmé dans son langage, parce que c’est le pli profond de son esprit. […] Il sait comprendre ou plutôt voir, — et son langage en témoigne souvent — les choses et les faits en fonction non d’une durée conventionnelle, mais d’une durée vivante.