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526. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Mais ce qu’il dit des progrès de la Poésie & du langage, n’est pas assez développé. […] La continuelle répétition d’un langage naïf, mais grossier, fatigue ceux qui ont le goût délicat. […] Quel langage romanesque & prosaïque que celui de toutes nos Eglogues modernes ! […] L’auteur, quoique Ecclésiastique, fréquentoit les réduits de la débauche, & il en avoit rapporté un langage qui a passé dans ses Satyres.

527. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère. […] L’austérité, au reste, y est plutôt pour les maîtresses dont la vie se passe dans la vigilance, dans les précautions continuelles, et qui deviennent dès lors de vraies religieuses régulières par la solennité et la perpétuité des vœux : quant aux élèves et demoiselles, lors même qu’elles ont été guéries ou préservées, dans ce second et plus sûr régime, des dissipations d’esprit et des goûts d’émancipation trop mondaine, Mme de Maintenon a toujours lieu de dire : « Je ne crois pourtant pas qu’il y ait de jeunesse ensemble qui se divertisse plus que la nôtre, ni d’éducation plus gaie. » Les craintes qu’avait fait naître à un moment l’invasion du bel esprit étant passées, et le correctif ayant réussi, on revint à Saint-Cyr à une voie moyenne, et où le bon langage eut sa part d’attention et de culture.

528. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

S’il fait tant de cas de la parole, c’est qu’il ne se doute pas que c’est un phénomène physique, physiologique ; c’est qu’il croit que les sons du langage sont faits d’une substance immatérielle. […] On ne sait pourquoi il fait grâce en un endroit à Montaigne, lequel pourtant a dit en son joli langage : « Et moi, je suis de ceux qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » M. de Laprade prend même le soin de rassurer les chrétiens, les âmes religieuses, contre l’ironie de Montaigne.

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