Ils appartenaient à ces idées…, mais ils appartenaient aussi, et par leur destinée et par les premières observations de la vie pensante, qui forment, pièce à pièce, la mosaïque intérieure de notre génie, à ce peuple dont ils avaient à traduire les sentiments, le langage et les inspirations ! […] Il reprend son ouvrage en sous-œuvre et il le refait dans le fondement même… Et de ce qui était faible de langage et immoral de sentiment et de tendance, il tire un livre parsemé d’aperçus, vivant de drame, abondant, familier, terrible, à pleine main dans l’observation et dans la vie, profond lorsqu’il paraît trivial, sévèrement écrit, d’un style pur, et pourtant ardent, comme du fer passé dans la flamme ; beau livre, enfin, moral et chrétien, comme Diderot aurait pu l’écrire, s’il n’eût pas été l’athée Diderot !
On lui trouve aussi de ces raisonnements vagues et subtils qui se rencontrent si souvent dans Corneille ; et l’on sait combien ce langage est opposé à celui de la vraie éloquence. […] Son style est une suite de tableaux ; on pourrait peindre ses idées, si la peinture était aussi féconde que son langage.
Fonder, à une époque de dissolution et de charlatanisme, une entreprise littéraire élevée, consciencieuse, durable, unir la plupart des talents solides ou brillants, résister aux médiocrités conjurées, à leurs insinuations, à leurs menaces, à leurs grosses vengeances, paraître s’en apercevoir le moins possible et redoubler d’efforts vers le mieux, c’est là un rôle que les entrepreneurs de la Revue (pour parler le langage du Messager) doivent s’honorer d’avoir conçu, et où il ne leur reste qu’à s’affermir.