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746. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Dans la législation de Dieu, l’homme est son propre juge, provisoirement du moins ; et c’est parce qu’il peut se juger lui-même qu’il peut aussi éviter la faute dont il sent l’énormité. […] Les intentions, les pensées, mobiles invisibles de tous les actes, leur échappent absolument ; et ce sont cependant les pensées et les intentions, en un mot, tout ce qui se dérobe nécessairement aux justices humaines, qu’il s’agit de juger. […] Il voudrait juger sa propre vie avec la plus stricte impartialité qu’il ne le pourrait point. […] Je crois donc qu’à cette mesure on peut juger équitablement les divers systèmes qui se montrent à nous dans l’histoire de la philosophie, et qu’en les comparant à cet idéal de la science, tout incomplet qu’il est, on peut voir avec assez d’exactitude et de justice ce qu’ils valent. […] On dirait qu’il croit suffisant de la peindre, sans chercher à la juger et surtout à la conduire.

747. (1926) L’esprit contre la raison

Au reste, ceux qui, pour se juger favorablement, essaient de travestir sous des termes pompeux leurs plaidoyers pro domo n’en aboutissent pas moins au plus éperdu des galimatias. […] Lorsque, le 13 mai 1921, Dada se constituait en tribunal révolutionnaire pour juger Maurice Barrèsag, André Breton, dans l’acte d’accusation qu’il prononça, déclara entre autres choses : « Profiter du crédit que nous valent quelques trouvailles poétiques heureuses et d’une séduction qui est tout autre que celle de l’espritah pour faire admettre aveuglément ses conclusions dans un domaine où ses facultés exceptionnelles ne s’exercent plus constitue une véritable escroquerie. » Voilà une simple et définitive réponse à tous ceux qui, pour faire croire à leur audace, ont choisi des cocardes aux détails et couleurs inusuels, ont vanté l’orchidée d’Oscar Wilde et le boulon à la boutonnière de Picabia. […] Voilà pourquoi point n’est besoin d’attendre la Chambre des députés, la Ligue des patriotes pour juger de l’homme, pour le définir des fausses pierres dont il se limite, comme Aigues-Mortes de ses remparts. […] Mais enfin commencent à être jugées à leur prix les raisons que donnèrent pour vanter leurs taudis les gardiens de ce bric-à-brac et, déjà, nous pouvons affirmer que la crise de l’esprit ne suit point les oscillations d’une plus ou moins grande prospérité matérielle, ne désigne point l’état d’une intelligence révoltée contre le bluff d’un monde arbitrairement raisonnable mais au contraire mérite de qualifier les minutes, les années, les siècles où l’esprit croit à sa puissance parce qu’il se traîne à l’aide des béquilles réalistes. […] L’obstination à juger petitement, à faire semblant de croire à la réalité, à donner cette réalité en aliment à l’espritbo avec l’illusion que plus elle sera basse, facile, méprisable, moins elle comportera de périls, l’acharnement individuel à tout peser, relativement à soi, afin de tout accommoder à son intérêt propre, d’en prendre bonne opinion, les sourires attendris des critiques ou romanciers lotissant les steppes du rêve et, pour résumer, tout ce qui permet ou prouve l’habitude simpliste de se limiter dans la conscience, voilà qui a rapetissé l’être et corrompu son esprit.

748. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Dans un moment, l’œil est louche, dans un autre les lames du ciseau sont émoussées, ou la main n’est pas sûre ; et puis jugez d’après cela de la confiance que vous devez à mes découpures ; et que cela soit dit en passant, pour l’acquit de ma conscience, et la consolation de Mr La Grenée. […] Je la jugerai donc telle qu’elle étoit, puisque j’ignore ce qu’elle est. […] Cela vient apparemment de ce que mon imagination s’est assujetie de longue main aux véritables règles de l’art, à force d’en regarder les productions ; que j’ai pris l’habitude d’arranger mes figures dans ma tête comme si elles étoient sur la toile ; que peut-être je les y transporte, et que c’est sur un grand mur que je regarde, quand j’écris ; qu’il y a longtems que pour juger si une femme qui passe est bien ou mal ajustée, je l’imagine peinte, et que peu à peu j’ai vu des attitudes, des groupes, des passions, des expressions, du mouvement, de la profondeur, de la perspective, des plans dont l’art peut s’accommoder ; en un mot que la définition d’une imagination réglée devroit se tirer de la facilité dont le peintre peut faire un beau tableau de la chose que le littérateur a conçu. […] Jugerons-nous de l’art comme la multitude ? En jugerons-nous comme d’un métier, comme d’un talent purement méchanique ?

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