Là où je verrais une contradiction et une séparation tranchée, ce serait si l’on comparait cette vie nouvelle qui s’essaie en tous sens à ce qu’étaient les vieilles femmes spirituelles du dernier grand monde avant l’ouverture du siècle et avant la renaissance de 1800, Mme Du Deffand, Mme de Créqui par exemple ; il y avait là goût parfait, jugement net, mais sécheresse ; rien au-delà. […] Je n’ai point à conclure ni à porter de jugement ; je n’ai voulu qu’offrir à nos lecteurs un choix dans ces pages qu’il a été donné à peu de personnes de parcourir.
De joindre une longue délibération avec un fait pressé, cela lui est malaisé, et c’est pourquoi, au contraire, aux effets de la guerre il est admirable, parce que le faire et le délibérer se rencontrent en un même temps, et qu’à l’un et à l’autre il apporte toute la présence de son jugement ; mais aux conseils qui ont trait de temps, à la vérité il a besoin d’être soulagé… Il a cela néanmoins qui doit fort contenter ses conseillers : c’est qu’encore qu’il n’ait nullement pensé ni été disposé à une affaire, si ses serviteurs, après l’avoir bien ruminée et bien digérée, la lui viennent représenter, il est si prompt à toucher au point et à y remarquer ce qu’on peut y avoir ou trop ou trop peu mis, qu’on jugerait qu’il y était déjà tout préparé. […] [NdA] Il m’est impossible, en réimprimant cet article, de ne pas avoir présente une séance intérieure de l’Académie française (14 mai 1857) dans laquelle, à propos du prix Gobert qu’on avait à décerner, des jugements et opinions détaillés ont été donnés par chaque membre sur les deux ouvrages qui étaient en concurrence, l’Histoire de France de M.
Je ne craindrai pas de présenter à l’avance le jugement filial que portait Eckermann de ces conversations si vivantes, après que la mort du maître l’eut laissé dans un vide profond et dans un deuil inconsolable. […] Mais je n’ai pu qu’effleurer aujourd’hui cette mine si riche de pensées et de jugements.