Et c’est là précisément le caractère de son talent : il a de la vie, et même de la jeunesse, malgré les années, les expériences, les fatigues et les frottements contre les choses d’Allemagne ! […] … C’est la vie, l’imagination, la jeunesse, retrouvées là où la plupart de ceux qui les eurent un jour, ces qualités, ne les retrouveraient jamais plus. […] — un anachorète à Caprée, farouche comme Hippolyte, dont il eut la beauté et dont il n’a plus la jeunesse ; un Tibère contre la vertu terrassante duquel on n’a pour toute ressource que le buste de la Galerie de Florence.

Semblable à cet autre grand moraliste chrétien, le saint auteur des Confessions, Dieu ne l’a pas appelé à lui tout d’abord, et ces premières années d’une jeunesse dépensée dans les misères voluptueuses du monde, ont tourné au profit de l’âme convertie et lui ont donné une science terrible, la science de ces passions qui nous ravissent à Dieu, quand nous ne nous ravissons pas à elles. […] Quand ce moine blanc à la face exsangue, aux lèvres pâles, mettait, en nous parlant des passions, sa main sous le froc qui couvrait sa poitrine domptée et calme et qu’il l’en retirait tout à coup, on croyait voir le sang de sa jeunesse découler de cette main appuyée un instant sur son cœur, et il semblait nous dire : « Je vous connais, mes frères ! […] Dans un siècle comme celui-ci, il n’y avait pas d’autre moyen de se faire écouter, surtout de cette jeunesse qui s’imagine savoir quelque chose, qu’en montrant que, la théologie à part, un prêtre en savait plus long qu’elle.

La jeunesse est épuisée ; La mort vient d’un pas vainqueur. […] Le Sybarite des autres poésies, le bel Attristé de la jeunesse perdue et des vulgaires trahisons de l’Illusion et de l’Espérance, disparaissent. […] Déjà très-éloigné par la vérité des sentiments de son premier recueil de poésies qui n’avait que la vérité très-relative de la jeunesse et la ferveur de l’imitation, M. de Beauvoir, s’il ne veut pas manquer aux dons qu’il a reçus, aux facultés d’une nature primitivement exquise et dont il a certainement abusé comme tous ces Polycrates de la destinée qui lancent à la mer leur émeraude qu’un brochet ne leur rapporte pas toujours, M. de Beauvoir doit entrer résolument dans la voie que certaines pièces de son dernier recueil viennent d’ouvrir.