Pour un Guigniaut, pour un Viguier, pour un Cousin, qui, jeunes et ardents, allaient à la découverte, la plupart se tenaient à l’opinion reçue et continuaient de vivre en bons et loyaux rhétoriciens et humanistes. […] Comment un de nos jeunes professeurs n’a-t-il pas encore eu l’idée de cette traduction, qui serait mieux qu’une vulgarisation ? […] Ils viennent d’être le sujet d’une savante étude et d’un examen vraiment critique de la part d’un des jeunes représentants de l’école française.
En se choisissant pour disciple un esprit de jeune femme, il s’adressait à son meilleur public, c’est-à-dire à des esprits plutôt vides et vacants que déjà occupés par d’opiniâtres erreurs ; il s’adressait à « l’esprit des ignorants qui, disait-il, étaient ses véritables marquises. » Mieux valait avoir affaire à un ignorant certes qu’à un esprit encroûté, entêté de la vieille science. […] Flammarion, d’en passer par son hypothèse ou de ne voir dans l’univers qu’une immense « lanterne magique », un spectacle de marionnettes en grand : toute ma conscience intellectuelle se soulève contre un pareil dilemme dans lequel le jeune astronome, enivré de sa thèse, voudrait m’enfermer. […] Jeunes, la poésie nous ravit ; les Étoiles de Lamartine, ces fleurs du ciel dont le lis est jaloux , suffisent à peine à symboliser nos imaginations, nos visions d’amour et de tendresse : à l’âge où le sang se refroidit dans les veines, il est doux, d’une douceur sévère, de connaître par leurs noms, d’épeler quelques-uns des astres qui roulent sur nos têtes, de distinguer ceux qui errent véritablement de ceux qui sont fixes par rapport à nous, de s’orienter, de se démêler à travers les cercles brillants ou les traînées lumineuses, de soupçonner dans ces abîmes d’en haut, dans ces profondeurs étincelantes où nous sommes plongés, tout ce qui peut se produire à l’infini d’étranger à nous, de différent de nous ; de ramener nos passions, nos désirs, nos gloires à ce qu’elles sont, de se dire le peu qu’on est, mais de sentir aussi que ce peu a réfléchi un moment, la puissance créatrice universelle, éternelle, — l’infini presque ou du moins l’incommensurable et l’immense24.
C’était l’être déjà pour le jeune duc de Noailles que d’avoir épousé la nièce de Mme de Maintenon. […] On le vit de bonne heure bien servir à la guerre, concevoir des plans de campagne, avoir des idées en politique, s’exprimer et agir d’une manière aisée et grande qui le rattache encore au siècle dont il était l’un des plus jeunes à soutenir le déclin. […] Le duc de Noailles, jeune, brillant, en faveur, est envoyé en Espagne ; il remporte en Cerdagne, en Catalogne, des succès militaires fort célébrés à Versailles, il prend Girone (1711) ; il est partout loué, vanté, lorsque, obéissant à son secret mobile et à cette inquiétude d’ambition qui le piquait, il imagine de concert avec le marquis d’Aguilar, pendant le séjour de la Cour à Saragosse, de donner à Philippe V une maîtresse, de le détacher ainsi de sa femme et dès lors de la princesse des Ursins, comptant bien, lui et son ami, s’emparer de toute l’influence ; en un mot, il noue une intrigue qui, découverte, le fait rappeler et le met à la Cour de Versailles dans une position infiniment moins bonne qu’auparavant.