Quant au rayonnement de la face ; quant à cette terreur d’intelligence qu’elle inspire au regard ; quant à ce reflet de divinité que le visage semble avoir contracté dans le commerce divin avec le feu du buisson, tout cela est tellement surhumain qu’on est tenté de s’écrier, comme le commentateur italien de cette statue, avec les Hébreux éblouis : « Mettez un voile sur votre face, car nous ne pouvons en supporter l’éclat ! […] La prose naît de l’intelligence, le vers jaillit quand le cœur éclate. […] La nature, qui se complaît plus souvent dans les analogies entre l’âme et la forme, se complaît aussi quelquefois dans les contrastes ; mystérieuse en tout, adorable en tout ; cependant le physionomiste qui déchiffre avec intelligence l’hiéroglyphe de la figure humaine, peut facilement ici percer le mystère. L’homme de génie purement littéraire, qui n’a pour œuvre que de sentir, de penser et de reproduire ses sentiments et ses pensées par la parole, peut concentrer toute sa force intellectuelle dans le siége inconnu de l’intelligence, et n’offrir aux yeux, sur son visage, que le miroir lucide et presque immatériel de sa pensée, la force de son âme est souvent attestée par la délicatesse et par l’immatérialité de son corps, la matière n’est qu’un poids pour lui ; plus son intelligence s’en affranchit, plus elle est intellectuelle.
II Sans doute il est impossible de séparer complètement dans une telle femme la grâce du génie, et la beauté des traits de la beauté de l’intelligence : comment séparer ce que Dieu a si bien uni sur une physionomie éloquente ? […] Des intelligences dans les affections des princes sont des influences dans leurs conseils ; la politique, sous les apparences de l’amour, assiège même l’oreiller des rois. […] Je lui dis que le jeune homme avait une de ces physionomies qui percent les ténèbres et qui domptent les hasards, et que dans le pays de l’intelligence la plus riche dot était la jeunesse, l’amour et le talent. […] J’admirai ce hasard qui réunissait ainsi, dans un espace de quatre pas carrés, quatre âmes de nature diverse presque inconnues les unes aux autres, mais dont chacune avait un empire au dehors sur une région de l’intelligence humaine. […] XXXV Quand le bruit de cette mort se répandit dans Paris, on crut sentir que le niveau d’intelligence, de sentiment et de gloire du siècle avait baissé en une nuit d’une grande âme.
Quels que soient les immenses services rendus à l’industrie par les théories scientifiques, quoique, suivant l’énergique expression de Bacon, la puissance soit nécessairement proportionnée à la connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciences ont, avant tout, une destination plus directe et plus élevée, celle de satisfaire au besoin fondamental qu’éprouve notre intelligence de connaître les lois des phénomènes. […] Si la puissance prépondérante de notre organisation ne corrigeait, même involontairement, dans l’esprit des savants, ce qu’il y a sous ce rapport d’incomplet et d’étroit dans la tendance générale de notre époque, l’intelligence humaine, réduite à ne s’occuper que de recherches susceptibles d’une utilité pratique immédiate, se trouverait par cela seul, comme l’a très justement remarqué Condorcet, tout à fait arrêtée dans ses progrès, même à l’égard de ces applications auxquelles on aurait imprudemment sacrifié les travaux purement spéculatifs ; car les applications les plus importantes dérivent constamment de théories formées dans une simple intention scientifique, et qui souvent ont été cultivées pendant plusieurs siècles sans produire aucun résultat pratique. […] Au degré de développement déjà atteint par notre intelligence, ce n’est pas immédiatement que les sciences s’appliquent aux arts, du moins dans les cas les plus parfaits il existe entre ces deux ordres d’idées un ordre moyen, qui, encore mal déterminé dans son caractère philosophique, est déjà plus sensible quand on considère la classe sociale qui s’en occupe spécialement. […] La tendance constante de l’esprit humain, quant à l’exposition des connaissances, est donc de substituer de plus en plus à l’ordre historique l’ordre dogmatique, qui peut seul convenir à l’état perfectionné de notre intelligence. […] N’oublions pas que, dans presque toutes les intelligences, même les plus élevées, les idées restent ordinairement enchaînées suivant l’ordre de leur acquisition première ; et que, par conséquent, c’est un mal le plus souvent irrémédiable que de n’avoir pas commencé par le commencement.