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399. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Sa marque, comme critique, c’est d’être, avant tout et presque uniquement, préoccupé et amoureux des idées ; d’être un pur « cérébral », un pur « intellectuel », dirais-je, si ces mots étaient mieux faits et si un mauvais usage n’en avait corrompu et obscurci le sens. […] Sa probité intellectuelle est des plus irréprochables qu’on ait vues. […] Il donne l’impression d’être égal, et quelquefois supérieur, à ceux qu’il définit. — Il ne lui manque qu’un peu de sensibilité, un peu de tendresse, un peu de paresse, un peu de sensualité : ce qui signifie simplement que sa complexion intellectuelle est des plus nettes, des plus accusées, et qu’il « remplit tout son type ». […] Sa sincérité, quant au fond de ses doctrines, me paraît aussi incontestable que son manque de rigueur lorsqu’il s’agit de les exposer, et que les défaillances de sa probité intellectuelle lorsqu’il s’agit de les propager ou de les défendre.

400. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Le surnaturel ne lui causait aucune répugnance intellectuelle. […] Ce ne sont pas eux qui ont ajouté la qualification : Est de fide à la suite de tant de propositions insoutenables, Une des pires malhonnêtetés intellectuelles est de jouer sur les mots, de présenter le christianisme comme n’imposant presque aucune sacrifice à la raison, et, à l’aide de cet artifice, d’y attirer des gens qui ne savent pas ce à quoi au fond ils s’engagent. […] J’étais maintenant si loin de mes vieux maîtres de Bretagne, par l’esprit, par les études, par la culture intellectuelle, que je ne pouvais presque plus causer avec eux. […] Encore si j’étais sûr de l’avenir, si j’étais sûr que je pourrai un jour faire à mes idées la place qu’elles réclament, et poursuivre à mon aise et sans préoccupations extérieures l’œuvre de mon perfectionnement intellectuel et moral !

401. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Quelque chose d’étranger et de prestigieux s’est insinué, aux premiers paragraphes, dans l’âme du lecteur : étreint et enlacé, ployé dans la posture intellectuelle assignée, il subit d’avance le choc de l’émotion que le poète prémédite. […] Dans cette contemplation d’actes purement intellectuels, l’intérêt se transforme, se surtend et se glace. […] En d’autres termes, étant donnés les caractères résumés plus liant, nous essayerons de construire un mécanisme intellectuel hypothétique dont les principales activités correspondent à ces propriétés saillantes, apercevoir en ses gros rouages l’âme que Poe dut avoir pour écrire comme nous l’avons montré. […] Il semble que l’artiste pour son écrit le plus bref ou le plus étendu, avant ressenti, puis envisagé un effet émotionnel à produire, s’étant calmé même de la sorte d’excitation purement intellectuelle que lui a causée l’invention des moyens, s’est mis à l’œuvre la tête aussi libre qu’un mathématicien notant une belle démonstration, ou un biologiste sur le point d’écrire un mémoire concluant.

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