Si vous regardez l’homme ainsi découronné, vous y retrouverez d’abord les instincts sanguinaires de la brute primitive. […] On supporte les priapées de Jules Romain et la volupté vénitienne, parce que le génie y relève l’instinct physique, et que, la beauté de ses draperies éclatantes, transforme l’orgie en une œuvre d’art. […] Ils avaient établi la mode de l’instinct et de l’égoïsme : il écrivait la philosophie de l’égoïsme et de l’instinct. […] » Il y a dans ces âmes un fonds indestructible d’instincts moraux et de mélancolie grandiose, et c’en est la plus grande marque que de retrouver ce fonds à la cour de Charles II. […] L’honnêteté n’y est pas le fruit des instincts sociables, mais le produit de la réflexion personnelle ; c’est pourquoi alors l’honnêteté était absente.
Est-ce de ce bloc de vices incorrigibles, d’instincts ignobles et de brutalités féroces que le romancier philosophe doit jamais faire sortir le saint philanthrope, pétri de toutes les délicatesses de l’intelligence et de toutes les saintetés de la vertu ? […] L’instinct lui disait : Sauve-toi ! […] Mais, devant une tentation si violente, le raisonnement avait disparu ; il n’y avait plus que l’instinct. […] « Pour résumer en terminant ce qui peut être résumé et traduit en résultats positifs dans tout ce que nous venons d’indiquer, nous nous bornerons à constater qu’en dix-neuf ans, Jean Valjean, l’inoffensif émondeur de Faverolles, le redoutable galérien de Toulon, était devenu capable, grâce à la manière dont le bagne l’avait façonné, de deux espèces de mauvaises actions : premièrement, d’une mauvaise action rapide, irréfléchie, pleine d’étourdissement, toute d’instinct, sorte de représailles pour le mal souffert ; deuxièmement, d’une mauvaise action grave, sérieuse, débattue en conscience et méditée avec les idées fausses que peut donner un pareil malheur.
Ainsi l’organisation spontanée, qui à l’origine fit apparaître tout ce qui vit, se conserve encore sur une échelle imperceptible aux derniers degrés de l’échelle animale ; ainsi les facultés spontanées de l’esprit humain vivent dans les faits de l’instinct, mais amoindries et presque étouffées par la raison réfléchie ; ainsi l’esprit créateur du langage se retrouve dans celui qui préside à ses révolutions ; car la force qui fait vivre est au fond celle qui fait naître, et développer est en un sens créer. […] Est-ce donc dresser la science de l’homme que de ne l’étudier, comme l’a fait la psychologie écossaise que dans son âge de réflexion, alors que son originalité native est comme effacée par la culture artificielle et que des mobiles factices ont pris la place des puissants instincts sous l’empire desquels il se développait jadis avec tant d’énergie ? […] Ils donnent un langage et une voix à ces instincts muets qui, comprimés dans la foule, être essentiellement bègue, aspirent à s’exprimer, et qui se reconnaissent dans leurs accents : « Ô poète sublime, lui disent-ils, nous étions muets, et tu nous as donné une voix. […] C’est la masse qui crée ; car la masse possède éminemment, et avec un degré de spontanéité mille fois supérieur, les instincts moraux de la nature humaine.