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566. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Il tint de cette mère estimable et de vieille roche plusieurs des qualités qu’il mit en œuvre : Elle réunissait, dit-il, des qualités qui vont rarement ensemble ; avec un caractère singulièrement vif, une imagination brillante et gaie, elle avait un jugement prompt, juste et ferme : voilà déjà une femme assez rare, mais ce qui est peut-être sans exemple, elle a eu, à cent ans passés, la tête qu’elle avait à quarante. […] Dans les mémoires indirects qu’il a donnés sous forme de romans, il n’est que sec et ne féconde rien : il n’a pas d’imagination, il n’avait que des souvenirs. […] M. de Forcalquier a tracé de Duclos en 1742, c’est-à-dire quand celui-ci était déjà un homme de lettres en pied et un académicien des Inscriptions, un portrait qui conserve encore et laisse voir quelques airs de jeunesse : « L’esprit étendu, l’imagination bouillante, le caractère doux et simple (ceci est pour le moins douteux), les mœurs d’un philosophe, les manières d’un étourdi. […] Il n’hésite pas à en définir les limites : On ne voit guère d’hommes passionnés pour le bel esprit, dit-il, s’acquitter bien d’une profession différente… Il n’y a point de profession qui n’exige un homme tout entier… Un homme d’imagination regarderait comme une injustice d’être récusé sur quelque matière que ce pût être.

567. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Il jouissait d’autant plus, quand son imagination le lui permettait, du calme uni et profond des dernières heures : Le 14 (août). — Après une longue série de jours éclatants, j’aime assez à trouver un beau matin le ciel tendu de gris, et toute la nature se reposant en quelque sorte de ses jours de fête dans un calme mélancolique. […] Un jour, quelques années après, lisant les lettres de Mlle de Lespinasse et y découvrant des flammes à lui inconnues, il s’en émouvait, et il s’étonnait de s’en émouvoir : « En vérité, disait-il, je ne me savais pas une imagination si tendre et qui pût à ce point agiter mon cœur ? […] ajoutez-y tout ce que vous dira votre imagination, et vous serez loin encore d’avoir touché le fond de toutes ces voluptés secrètes. […] Il y avait une véritable contradiction en lui : par tout un côté de lui-même il sentait la nature extérieure passionnément, éperdument, il était capable de s’y plonger avec hardiesse, avec une frénésie superbe, d’y réaliser par l’imagination l’existence fabuleuse des antiques demi-dieux : par tout un autre côté, il se repliait sur lui, il s’analysait, il se rapetissait et se diminuait à plaisir ; il se dérobait avec une humilité désespérante ; il était de ces âmes, pour ainsi dire, nées chrétiennes, qui ont besoin de s’accuser, de se repentir, de trouver hors d’elles un amour de pitié, de compassion ; qui se sont confessées de bonne heure, et qui auront besoin de se confesser toujours.

568. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Delécluze ait eu peu d’illusions en aucun temps, nous assure-t-il, et qu’il soit à peu près uniformément satisfait de tous les pas de sa carrière, il est pourtant un moment qui, a ses yeux, eut une importance décisive et qui se peint en beau dans son imagination : c’est l’heure de son entrée dans la carrière littéraire, lorsque ayant renoncé décidément au crayon pour la plume, il fit ses premières armes au Lycée, petite revue distinguée qui parut vers 1819, et lorsque ensuite, après deux ou trois années de prélude, il fut admis parmi les rédacteurs des Débats. […] Casimir Delavigne devient faible du moment où il veut intercaler dans ses phrases pures et élégantes les idées gigantesques nées en Allemagne ou en Angleterre ; tandis que Mme Tastu, modeste et discrète comme la langue dont elle fait usage, en n’effarouchant pas le lecteur par la singularité des expressions, protège beaucoup mieux l’élan qu’elle fait prendre à l’imagination de celui, qui lit ; enfin M.  […] Delécluze, protège beaucoup mieux l’élan qu’elle fait prendre à l’imagination de celui qui lit . […] Il découronne par trop l’imagination humaine.

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