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462. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

On a tort de croire que l’imagination ait manqué à Boileau ; il a du moins celle-là, qui n’est que souvenir et rappel des sensations anciennes. […] Il faut que les choses aient été dans sa sensation pour être dans son imagination, et son vers ne dit rien que son œil ou son oreille n’aient reçu. Il n’a pas l’imagination créatrice, qui donne une forme sensible à l’idéal, à l’immatériel, à ce qui n’est plus, n’est pas encore ou ne sera jamais. […] Il a le cœur bon : mais sa bonté ne passe pas dans son imagination ; elle se réalise en jugements, puis en actes, jamais en émotions, en représentations capables d’exciter le sentiment seul en dehors d’un objet présent qui sollicite aux actes. […] Nous ne concevons pas ce sentiment sans un amour désintéressé, une sympathie profonde, ni presque sans un tour d’imagination religieusement panthéiste.

463. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

On sait que le roman, œuvre d’amusement et de pure imagination à l’origine, s’est transformé peu à peu, qu’il a serré de plus en plus la réalité, qu’il tend à devenir une peinture véridique et minutieuse de toute la vie contemporaine. […] Mais enfin l’amour fait le principal intérêt des histoires qu’il écrit ; l’amour y inspire des actions extraordinaires, et ses héros et ses héroïnes sont les plus distingués que puisse concevoir l’imagination des femmes et dos adolescents. […] Par suite, l’esprit romanesque, considéré non plus chez l’écrivain, mais chez les lecteurs et chez le commun des hommes, est une tendance à accepter comme vraies ces imaginations d’un monde meilleur et plus beau. […] ce n’est pas contre les idées romanesques qu’il faut mettre en garde la génération présente, mon bon monsieur, je vous assure… Le danger n’est pas là pour le moment… Nous ne périssons pas par l’enthousiasme, nous périssons par la platitude… Mais, pour en revenir à notre humble sexe, qui est seul en question, voyez donc les femmes dont on parle à Paris — je dis celles dont on parle trop   est-ce leur imagination poétique qui les perd ? […] ce sont, pour les trois quarts, les cervelles les plus vides et les imaginations les plus stériles de la création !

464. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Le but que se propose la poesie du stile, est de faire des images et de plaire à l’imagination. […] Or moins l’imagination du poete est gênée par le travail mécanique, mieux cette imagination prend l’essort. […] L’instinct nous porte à suppléer par ces sons inarticulez à la stérilité de notre langue ou bien à la lenteur de notre imagination. […] C’est l’effet que produit la lenteur avec laquelle se prononcent les expressions simples et en apparence sans art, que Ciceron repête pour parler de l’action contre laquelle il veut soulever l’imagination de l’auditeur.

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