La langue que Victor Hugo avait cependant enrichie de si nombreuses expressions laudatives, semblait pauvre aux journalistes, du moment qu’elle était appelée à traduire leur admiration pour « le plus gigantesque penseur de l’univers », on recourut à l’image. […] Hugo devait donc épouser la haine de sa mère pour Napoléon, que partageaient son mari et ses amis, en même temps qu’il endossait ses opinions royalistes, Mais il fut réfractaire à toute influence, personne ne put lui imposer ses sentiments, ni père ni mère, ni oncle, ni amis : Napoléon et son extraordinaire fortune emplissaient sa tête ; « son image sans cesse ébranlait sa pensée ». […] Un peuple de mots, de néologismes, d’expressions, de tournures et d’images, venues de toutes les provinces et de toutes les couches sociales, envahirent la langue polie, élaborée par deux siècles de culture aristocratique. […] Il restait encore à briser le moule du vers classique, à assouplir le vers à une nouvelle harmonie, à l’enrichir d’images, d’expressions et de mots que possédait déjà la prose courante et à ressusciter les vieilles formes de la poésie française. […] Il fut, après Chateaubriand, le plus grand des étalagistes de mots et d’images du siècle.
Cette image le transformait tellement, en se présentant à lui à chaque pas de sa vie et à chaque mouvement de sa pensée, que, quand il voulut se consacrer entièrement à la philosophie théologique, muse sévère de son épopée, il éprouva le besoin de donner à cette philosophie et à cette théologie personnifiées le nom, la forme, le regard, la voix, la beauté de sa Béatrice. […] Ces amitiés ou ces inimitiés d’hommes obscurs sont parfaitement indifférentes à la postérité ; elle aime mieux un beau vers, une belle image, un beau sentiment, que toute cette chronique rimée de la place du Vieux-Palais à Florence. […] C’est que la jeunesse, la beauté, la naïve innocence des deux personnages, qui ne se défient ni d’eux-mêmes, ni des autres ; leurs fronts penchés sur le même livre, qui, semblable à un miroir terni par leur haleine, leur retrace et leur révèle tout à coup leur propre image, et les précipite dans le même délire et dans le même enfer par la fatale répercussion du livre contre le cœur et du cœur lui-même contre un autre cœur, sont là des coups de pinceaux achevés. […] On vient de le voir : j’ai appelé le Dante un grand homme, un Michel-Ange de la poésie, un rival d’Homère, de Virgile, de Shakespeare, quelquefois supérieur à eux par fragments épiques ; mais j’ai eu l’audace de dire que son poème était obscur, que les expressions se perdaient quelquefois dans les nuages de la théologie mystique, et descendaient souvent jusqu’au scandale de l’image et jusqu’au cynisme du mot ! […] Pour transvaser ce sentiment, cette poésie, cette harmonie, cette image, d’un dialecte dans un autre, vous n’avez pas trop de toute la liberté, de toute la souplesse, de toute la richesse de votre langue.
Il me semble quelquefois qu’il nous est permis d’étaler des estampes et des images aux yeux des passants, au bas des murs du Louvre. […] Autant faut-il en dire pour ces images au moral qu’il nous est donné d’exposer ici. […] Froissart a de bonne heure son idéal : les grands romans de chevalerie, les grands exploits des siècles précédents, qui se renouvellent dans ce siècle, ont mis en circulation une certaine idée d’honneur et de courtoisie ; il en est épris ; elle a relui sur son berceau, et toute sa vie sera consacrée à en retracer et à en perpétuer par écrit l’image.