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596. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Un ouvrage littéraire n’est admis au périlleux honneur de devenir classique que s’il est consacré par de longues années d’admiration. […] Le trait saillant en était la place d’honneur accordée aux classiques latins et grecs ; la Renaissance pénétrait triomphalement dans les collèges. […] Il faut qu’ils combattent contre Philippe de toute l’énergie de leur parole ; il faut qu’ils s’emportent contre Antoine en invectives virulentes, qu’ils défendent leur vie, leur honneur, leur patrie. […] Notre génération a vu le prix d’honneur de rhétorique, si longtemps réservé au discours latin, passer à la composition française, et la langue nationale, illustrée par tant de chefs-d’œuvre, monter enfin au premier rang. […] L’Académie à son origine est formée des écrivains qui figuraient avec honneur à l’hôtel de Rambouillet et dans les cercles du même genre.

597. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

L’honneur de M. […] Lemercier avait rouvert le premier, avec bien de l’honneur, cette scène grecque-française, et renoué avec Andromaque par Agamemnon. […] En vain le soin des Dieux et l’amour des Déesses Environna son cœur des plus douces promesses ; A l’offre du Ciel même et des divins honneurs, Il fixait sur la mer un œil mouillé de pleurs. […] Revenu pourtant à sa pleine liberté et obéissant à l’aiguillon d’une émulation généreuse, il put, durant les quinze années qui suivirent, attacher avec honneur son nom à des ouvrages étendus et médités : Marie Stuart, le Cid d’Andalousie et le poëme de La Grèce. […] Ce serait sortir de notre sujet, et presque de notre droit, que de toucher dans l’homme l’esprit disert, sociable, fidèle à ses amitiés, assorti aux choses, et faisant honneur à son passé en se montrant à l’aise en chaque emploi.

598. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Le fameux poème en l’honneur de Clotaire II dont l’auteur de la Vie de saint Chilien transmit quelques vers à l’auteur de la Vie de saint Faron, était assurément en latin vulgaire : les femmes de la Brie qui le chantaient n’ont jamais parlé tudesque. […] Une haute idée de l’honneur commande le sacrifice désintéressé de la vie, pour le service de l’empereur, pour le service de Dieu : deux sentiments qui compriment l’égoïsme, la foi au suzerain féodal, la foi au maître du Ciel, sont les ressorts des actions. […] Nul esprit d’aventures, nulle folie de l’honneur, nul calcul de l’intérêt ne dégradent encore la brute grandeur des âmes : nulle galanterie non plus, ni fadeur ou grossièreté d’amour. […] Et jamais la force de l’honneur et du serinent féodal n’a plus fortement apparu qu’en ce Bernier : quand, sa mère morte, blessé lui-même, il a renoncé l’hommage, si, dans le premier moment de colère, il refuse la réparation que Raoul offre une fois revenu à lui, jamais cependant il n’aura le cœur en paix : il combattra Raoul de tout son courage, il le tuera, mais toujours l’idée de son serment violé le tourmentera : toujours il rappellera ses griefs, sa mère « arse », sa tête cassée ; il maintiendra « son droit », mais il sera inquiet. […] Ce n’est pas un traître d’occasion, par emportement, ou orgueil blessé, comme Ganelon : la ruse est son caractère naturel ; avec lui nous atteignons le temps où le mensonge et l’intrigue, c’est-à-dire l’intelligence, entrent en lutte contre la franche brutalité et la force physique, puis vont prendre insensiblement le dessus sur elles, et du même coup sur l’honneur et sur la loyauté.

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