Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n’a-t-il pu fixer que l’aspect objectif et impersonnel de l’amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l’âme. […] Aussi a-t-on eu tort, pour prouver que l’homme est capable de choisir sans motif, d’aller chercher des exemples dans les circonstances ordinaires et même indifférentes de la vie.
L’homme seul est peut-être capable d’un effort de ce genre. […] Mais à moins de supposer à tous les hommes des voix identiques prononçant dans le même ton les mêmes phrases stéréotypées, je ne vois pas comment les mots entendus iraient rejoindre leurs images dans l’écorce cérébrale.
Par là on se condamne à n’expliquer ni d’où viennent les éléments de conscience ou sensations, qu’on pose comme autant d’absolus, ni comment, inextensives, ces sensations rejoignent l’espace pour s’y coordonner, ni pourquoi elles y adoptent un ordre plutôt qu’un autre, ni enfin par quel moyen elles réussissent à y constituer une expérience stable, commune à tous les hommes.