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540. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

(Je crois que ce mot de brio, soit dit en passant, choquerait un peu l’auteur de l’Antéchrist, et qu’il n’accepterait pas le compliment. ) Pour moi, le Néron de Racine me plaît fort et me semble d’une grande vérité historique et humaine ; mais le fou naissant et le cabotin paraîtraient un peu plus chez lui, que je ne m’en plaindrais pas. […] D’où vient que la vérité historique qui, là, lui paraissait chose romantique et par suite admirable — ou chose admirable et par suite romantique (car il hésite entre les deux vues) — n’excite point ici son enthousiasme ? […] Deschanel, qui s’applique à relever ces contrastes, défend ailleurs la vérité historique des principales figures de ce théâtre. […] Décidément il ne faut point attacher d’importance à ce qu’il y a d’historique dans les tragédies raciniennes.

541. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Les Études de la nature, Paul et Virginie, le Génie du Christianisme, René, l’Itinéraire, sont des productions qui n’avaient pas leur germe dans notre langue ; et aujourd’hui même, parmi les écrivains exclusivement voués à la prose, quels sont les plus remarquables par la pensée et par l’expression, si ce n’est ceux qui se livrent à la haute étude des sciences philosophiques ou aux profondes recherches historiques : deux importantes matières que nos grands prosateurs des derniers siècles étaient loin d’avoir épuisées, et dans lesquelles les littératures étrangères nous ont devancés et surpassés. […] On convient généralement de la supériorité de notre jeune école philosophique et historique ; notre siècle est déjà si bon juge en fait de prose, que personne ne songe à nier l’immense talent de M. l’abbé de la Mennais, quoique ses systèmes soient combattus de toutes parts. […] Victor Hugo, dans tous les genres, et ce grand roman historique de Cinq-Mars, qui eût suffi pour faire la réputation de M.  […] Les besoins philosophiques et historiques du siècle sont admirablement bien servis par les cours de MM. 

542. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

En parcourant d’un œil attentif toutes ces belles cartes réunies par un lien historique, dans cet atlas si admirablement groupé pour mettre l’univers en relief sous vos mains comme dans une exposition plastique du monde à toutes ses grandes époques, où tout ce qui est essentiellement mobile dans la configuration des empires parut un moment définitif, on sait tout de l’homme et tout de la terre politique ; on marche à travers les lieux et les temps avec un interprète qui sait lui-même toutes les langues et tous les chemins. […] Car la géographie, surtout, enseigne la sagesse, cette saine appréciation des choses mortelles ; et, quand on voit dans l’Atlas géographique et historique ces grands déserts qui furent des empires, ces vides immenses qui ne pouvaient jadis contenir leur population, et qui débordaient en colonies inépuisables pour aller peupler des continents nouveaux ; quand on voit la place de ces fourmilières de peuples marquée seulement par un nom à déchiffrer sur un monolithe couché dans le sable, on se demande si c’était, pour ces torrents d’hommes engloutis, la peine de naître, de vivre, de combattre et de mourir sur la terre, et on se répond avec tristesse : Non, l’humanité n’est que l’ombre d’un nuage qui passe sur ce petit globe, encore trop grand et trop permanent pour elle, entre deux soleils, et, quand elle a été, c’est comme si elle n’avait pas été !

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