Il y en a aussi d’héroïques et de grandioses ; car le genre de l’épigramme, il faut bien le savoir, n’est pas un genre de décadence ; il a été perpétuel en Grèce et a commencé dès le jour où l’on a eu une inscription à tracer en l’honneur des dieux ou des héros. […] Le poète, un certain Glaucus, peu connu d’ailleurs, mais qui a de l’art et du sentiment, s’écrie : « C’est après l’avoir vu, le douloureux héros de Trachine, que Parrhasius s’est mis à peindre ce Philoctète : car dans ses yeux desséchés habite une larme muette, et au dedans est la douleur qui le ronge. Ô le plus grand des peintres, tu es sans doute un génie, mais il était bien temps de laisser respirer de ses maux ce mortel de tant de douleur. » Il demande grâce pour le héros torturé, tant il prend au sérieux la peinture !
Corneille a voulu nous donner la plus haute idée du mérite de son héros, et il est glorieux pour le Cid d’être aimé par la fille de son roi en même temps que par Chimène. […] Cette abstraction cornélienne est moins complète dans le Cid que dans les pièces qui ont suivi, et si le brillant Rodrigue nous plaît plus que les autres héros de Corneille, c’est qu’aussi il a gardé plus de vie, plus de flamme au front et plus d’éclairs. […] Elle n’admet point, malgré les motifs d’espérance qu’essaye de lui donner la princesse, que l’affaire entre son père et Rodrigue puisse s’accommoder ; elle aussi a la religion du point d’honneur : « Les accommodements ne font rien en ce point : Les affronts à l’honneur ne se réparent point… » Chimène est comme les vraies femmes : elle aime les hommes qui se battent fort, qui se tuent, qui sont plus généreux que sages, plus héros que philosophes.
Et ici encore une courte digression n’est pas inutile ; et, bien qu’il ne s’agisse que d’une anecdote, cette anecdote a pris de telles proportions sous la plume des écrivains de nos jours, qu’il devient presque impossible de la passer sous silence, dès qu’on s’entretient un peu longuement du héros saxon. […] Le prince de Conti, disait-on tout haut, le rival humilié, l’envieux et l’ennemi du héros, l’avait blessé mortellement en duel dans le parc même de Chambord, et le maréchal de Saxe était mort de cette blessure que, par générosité, il avait tout fait pour cacher. […] Il garde du héros de roman jusque dans le personnage de l’histoire.