Il venait à peine de prendre possession de ce nouveau poste plus avantageux, lorsque la Porte, rompant avec la France et nous déclarant la guerre, le fit arrêter comme otage. […] Les Turcs nous voyaient de mauvais œil, parce que nous étions en guerre avec eux, et surtout parce qu’ils nous confondaient avec les Busses qu’ils détestent. […] Dans ce poste de Mayence si capital et si central pour les opérations de guerre, il se serait fait une délicatesse de demander à s’absenter pendant toute la durée des grands mouvements militaires qui donnaient à l’administration civile des devoirs extraordinaires à remplir. […] Malgré les ordres réitérés du sous-préfet, au lieu de les séparer par petit nombre dans divers locaux convenables où ils jouiraient d’un peu d’aisance, comme leur état l’exige et l’humanité le commande, il les entasse dans un seul et même local comme des prisonniers de guerre, leur faisant fournir par les particuliers la soupe et la paille. […] Je prie Votre Excellence d’agréer, etc. » C’est dans ces circonstances, sous le poids de ces fatigues et de ces anxiétés, aggravées encore par un conflit avec un sot commissaire des guerres, que le préfet fut atteint, à son tour, de la maladie régnante, dans les derniers jours de novembre.
Pour M. de Ségur, cette époque peut se partager en deux moitiés séparées par la guerre d’Amérique. […] Il ne s’agissait de rien moins qu’après les conférences de Pilnitz, de détacher doucement le monarque prussien de l’alliance autrichienne, et de le détourner de la guerre. […] La politique extérieure de la France avait subi un changement décisif de système lors du traité de Versailles (1756), au début de la guerre de Sept Ans : de la rivalité jusqu’alors constante avec l’Autriche, on avait passé à une étroite alliance en haine du roi de Prusse et de sa grandeur nouvelle. […] Ils n’avaient pour cela qu’à énumérer, comme résultats du système contraire, les pertes de la dernière guerre, le partage honteux de la Pologne, et à constater une sorte d’abaissement manifeste du cabinet de Versailles dans les conseils de l’Europe. […] « C’est un legs précieux, honorable, sacré… J’avais perdu par une goutte sereine un œil dans la guerre d’Amérique ; de longs travaux avaient affaibli l’autre ; les médecins me menaçaient de le perdre, si je l’exerçais trop.
À peu près dans la même époque commencèrent nos guerres d’Italie ; et sous Charles VIII, Louis XII, et sous François Ier, nous inondâmes ce beau pays, où les arts florissaient parmi les agitations de la liberté et de la guerre. […] C’était elle qui portait, qui abolissait les lois, qui ordonnait la guerre, qui faisait marcher les armées, qui menait les citoyens sur les champs de batailles, qui consacrait leurs cendres lorsqu’ils étaient morts en combattant ; c’était elle qui, de dessus la tribune, veillait contre les tyrans, et faisait retentir de loin, à l’oreille des citoyens, le bruit des chaînes qui les menaçaient. […] si Philippe était mort, demain vous feriez un autre Philippe. » C’est dans la chambre des communes, c’est devant cinq cents hommes assemblés qu’un orateur anglais, dans une séance qui avait duré un jour entier, et où l’on proposait de remettre une affaire importante au lendemain, s’écria : « Non ; je veux savoir aujourd’hui, et avant de me retirer, si je me coucherai ce soir citoyen libre d’Angleterre, ou esclave des tyrans qui veulent m’opprimer. » C’est dans la même chambre qu’un orateur voulant décider la nation à la guerre, après une journée entière de débats, le soir, à la lueur sombre des flambeaux qui éclairaient la salle, peignit le fantôme effrayant d’une domination étrangère, qui voulait, disait-il, remplir l’Europe, et après s’être étendu dans le continent, allait traverser les mers, allait aborder sur leur rivage, et apparaître tout à coup au milieu d’eux, traînant après lui la tyrannie, la servitude et les chaînes. […] Aux troubles et aux guerres civiles qui remuaient fortement les âmes, se joignaient en même temps les querelles de religion. […] La société, après les guerres civiles, dut acquérir en France ce degré de perfection qui, est nécessaire pour les arts, et qui, portée à un certain point, les anime, mais qui au-delà peut les étouffer et les corrompre : heureusement elle n’était point encore parvenue à cet excès ; et de la perfection de la société et du goût, jointe à celle de la langue, devait naître peu à peu celle de l’éloquence.