Et toutefois il est une scène où la grâce de Paris, tout simplement incarnée dans une fille galante qui n’est pas bête, touche décidément le Yankee positif et péremptoire ; où il balbutie des paroles de désir qui jamais auparavant n’étaient montées à ses lèvres rases ; et où il abdique et se fait humble, ou presque, devant la volupté du vieux monde. […] Car il y a chez lui un fonds de candeur intacte, une âme « vieille France », des restes sérieux de bons principes, d’éducation religieuse et provinciale, un penchant aux attendrissements honnêtes, et qui ne craint même pas un rien de banalité, tant il est certain de sauver tout par la grâce. […] Il fait beaucoup songer, par sa grâce, au Meilhac de la Petite Marquise, de la Cigale, de Ma Camarade, — avec, si vous voulez, une langueur plus chaude ou un pittoresque plus aigu : ce qui veut peut-être seulement dire qu’il est d’aujourd’hui. […] Et tout cela avec une grâce presque silencieuse, et un oubli de soi, et une ignorance de son propre mérite ! […] Résignons-nous ; soyons indulgents à ces frères sans grâce et reconnaissons que cette attitude de perpétuelle défensive et d’éternelle protestation sur des riens n’est pas seulement, chez eux, un phénomène d’atavisme, mais une marque, — déplaisante, il est vrai, — de leur noblesse morale.
« Il a la grandeur d’Homère, la satire mordante de Juvénal et la grâce sourieuse d’Anacréon. » Mais il estampille tout de la puissante griffe de son génie. […] Au lieu de la grâce maladive et pleureuse de quelques-uns des classiques de son siècle, nous trouvons en lui une force vitale prodigieuse, un élan vers toujours plus de lumière et plus de liberté. […] — Encore que la complexité de l’esprit moderne et les nombreuses impressions dont la mémoire est constituée me rendent difficile de fixer mon choix sans hésitation et, que dans le genre même qui est ma préférence, plusieurs noms sollicitent celle-ci, je crois ne pas errer en spécifiant les qualités maîtresses que je demande à mes poètes favoris : la clarté dans la grâce, et dans la grandeur la simplicité antique. […] J’aime son chuchotement mystique, sa grâce d’enfant étonné, sa simplicité de pauvre homme, son charme naïf et familial de rimeur populaire à qui se trouve lié — par quel don bienheureux ! […] — Grâce à Lamartine, Baudelaire, Verlaine, grâce à Alfred de Vigny auquel j’accorde toute préférence, Victor Hugo a fait du xixe siècle français un des plus grands âges poétiques du monde.
Robert de Montesquiou devienne l’écrivain qu’il s’efforça d’être sans y réussir, précieux, impertinent, lyrique, capable de faire renaître dans ses vers les prêtresses antiques, les marquises et les reines, et de célébrer les grâces fragiles des Parisiennes polies dans les rues en l’an dix-neuf cent-unième, et il s’appellera Charles-Adolphe Cantacuzène.