… Est-ce que le gentil poète des Amoureuses, qui, aux épines de la vie, n’a guères laissé qu’une gouttelette de son sang vermeil, juste autant que sa gouttelette d’originalité, peut être, quoi qu’il fasse, autre chose qu’un gentil écrivain, ayant à perpétuité les grâces joliettes et fluettes de la jeunesse ? […] Et Alphonse Daudet, en écrivant les Lettres de mon moulin, n’a pas seulement prouvé qu’il avait ce qu’on lui déniait : une force égale à sa grâce, une profondeur égale à sa légèreté. […] C’est un conteur d’une grâce émue et légère, qu’aucun romancier contemporain n’a au même degré que lui. […] Je viens de dire où il l’a mis, et, malgré tout ce qui m’a déplu dans cette hideuse histoire des Ratés où tout est raté, la grâce de celui qui a écrit toute cette raterie y est si forte, qu’elle ne ratera pas ! […] Toujours est-il qu’il échappe à ce danger que j’ai signalé, et qu’il est rentré dans la vérité native de son talent, si antipathique aux peintures basses et si délicieux de cette sensibilité que dédaignent, comme le renard les raisins, les Impassibles, ces pierreux de la littérature… Sensibilité, coloris, grâce de l’âme dans le talent, tout est revenu de ce que nous connaissions en lui depuis qu’il a changé de modèles.
C’est le revers de la médaille, mais à ce revers même il montre encore l’honneur : Un passe-droit, une injustice, ou trop peu de justice ou de grâce, vous donne quelquefois des regrets d’avoir sacrifié vos jours à la patrie : ah ! […] « Même dans les écarts, il y a des gens à qui tout va, parce qu’ils ont de la grâce et du tact. » Il fut de bonne heure de ces gens-là. […] Ceux qui ont ce trait, ce neuf, ce piquant, peuvent encore ne pas être parfaitement aimables ; mais, si l’on unit à cela de l’imagination, de jolis détails, peut-être même des disparates heureux, des choses imprévues qui partent comme un éclair, de la finesse, de l’élégance, de la justesse, un joli genre d’instruction, de la raison qui ne soit pas fatigante, jamais rien de vulgaire, un maintien simple ou distingué, un choix heureux d’expressions, de la gaieté, de l’à-propos, de la grâce, de la négligence, une manière à soi en écrivant ou en parlant, dites alors qu’on a réellement, décidément de l’esprit, et que l’on est aimable. […] Vous vous croyez au dernier degré ; mais le prince de Ligne qui ne se contente pas à peu de frais, et qui porte dans cette grâce et dans cette félicité sociale quelque chose de ce feu, de cette poésie vivifiante que nous lui avons vu mettre dans les entreprises de guerre, dira en complétant son modèle et en nous laissant par là même son portrait : Si, ajouté encore à cela, on inspire l’envie de se revoir, si l’on y fait trouver un charme continuel, si l’on a une grande occupation des autres, un grand détachement de soi-même, une envie de plaire, d’obliger, de prendre part aux succès d’autrui, de faire valoir tout le monde ; si l’on sait écouter ; si l’on a de la sensibilité, de l’élévation, de la bonne foi, de la sûreté, et un cœur excellent ; oh !
On a remarqué que le père de Bourdaloue, homme d’une exacte probité, avait lui-même « une grâce singulière à parler en public ». […] Répandez donc sur sa personne la plénitude de vos lumières et de vos grâces… Le vœu de Bourdaloue fut rempli : peu de temps après ce discours, le prince de Condé se convertit sincèrement, il s’approcha des autels ; cet esprit si brillant, si curieux, si altier, que les impies s’étaient flattés de posséder, leur échappa et se rangea humblement à la voie commune. […] Ce prince, qui m’avait écouté, a depuis écouté votre voix secrète, et, parce qu’il avait un cœur droit, il a suivi l’attrait de votre grâce… On voit bien que ceux qui dénient l’onction à Bourdaloue n’ont pas entendu de sa bouche ces passages, et ils les ont lus négligemment. […] tout pécheur et tout indigne que je suis, voilà ce que Dieu, par sa grâce, m’a fait plus d’une fois sentir.