/ 2293
318. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Ce fut lui qui le recommanda à Chapelain qui était, à cette date, la grande autorité littéraire et le procureur général des grâces. […] Il se mit donc à tout raconter avec détail, ironie, bonne grâce, galanterie, et un tact exquis des bienséances. […] Fléchier, d’un coin du salon où il souriait et causait avec grâce, vit tout et vit bien. […] Fléchier ne rit pas aux éclats ; il sourit, — il sourit en jetant un coup d’œil au miroir, et en regardant spirituellement son voisin ; il a la gaieté prolongée et discrète, un peu étudiée, comme sa grâce. […] Nous ne devons désirer de vivre que pour accomplir ce que Dieu demande de nous, et la tranquillité de la vie doit être regardée comme une grâce et une bénédiction de douceur qu’il répand sur nous, et qui nous engage à le servir avec plus de fidélité.

319. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Ce jeune prince, que Torquato Tasso avait connu dans son adolescence à Rome, avait toutes les qualités de son frère, mais il y joignait de plus la constance dans ses amitiés, la modestie, la solidité et la grâce du caractère qui le faisaient adorer ; il reçut Torquato en ami plutôt qu’en maître, ne lui demandant pour tout service que d’illustrer sa cour et sa famille par l’éclat de renommée littéraire qui commençait à rayonner de son nom. […] Cependant, ajoute Manso, il ne parlait pas en public, devant les princes ou devant les académies avec autant de force, d’assurance et de grâce dans l’accent, qu’il y avait de perfection dans le style et dans les pensées, peut-être parce que son esprit, trop recueilli dans ses pensées, portait toutes ses forces au cerveau, et n’en laissait pas assez pour animer le reste de son corps ; néanmoins, dans toutes ses actions, quelque chose qu’il eût à dire ou à faire, il découvrait à l’observateur le moins attentif une grâce virile et une mâle beauté, principalement dans sa contenance, qui resplendissait d’une si naturelle majesté qu’elle imposait, même à ceux qui ne savaient pas son nom et son génie, l’admiration, l’étonnement et le respect. » Manso dit que Torquato avait la vue courte et faible par la continuelle lecture à laquelle il se livrait sans repos, et même par celle de sa propre écriture prodigieusement fine et souvent illisible. […] Toutes deux d’une beauté célèbre, quoique différente, et d’un esprit cultivé, elles rassemblaient dans leur personne la grâce de la France et la passion de l’Italie. […] Son entretien avait la grâce, le demi-jour et la douce intimité de sa vie ; cette tristesse attendrissait les cœurs, mais la piété de son âme, toute consacrée aux pensées divines, décourageait l’amour. […] « À propos, Monsieur », dit Voltaire, « vous me reprochez, mais avec votre politesse et vos grâces ordinaires, d’avoir dit que la Fontaine n’était pas assez peintre.

320. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Quelque chose de moqueur et d’impatient agite et caractérise la population de nos salons ; ce qui est naïf et grand, y est traité d’ennuyeux ou de ridicule, et les bougies n’éclairent que les succès du bel esprit et des grâces fardées. […] Sainte-Beuve, qui rendent notre pensée beaucoup plus éloquemment que nous ne pourrions le faire : « On vit, chose inouïe jusque-là, une littérature moderne appliquer le goût le plus exquis à ses plus nobles chefs-d’œuvre ; la raison prévenir, assister le génie, et, comme une mère vigilante, lui enseigner l’élévation et la chasteté des sentiments, la grâce et la mélodie du langage. […] C’est l’ordre des idées, la grâce ou la sublimité des expressions, l’originalité des tours, le mouvement et la couleur, l’individualité du langage, qui composant le style ; c’est après une peinture éloquente de toutes ces qualités, que Buffon a dit : le style est l’homme même. […] Certains beaux vers sont plus difficiles à réciter que certains autres, mais qu’une voix habile vous les lise, et vous serez surpris d’y trouver des grâces et des effets que vous chercheriez en vain dans des vers en apparence plus mélodieux. […] Lorsqu’après une page de narration écrite en vers si faussement nommés prosaïques, se trouve une suite de beaux vers d’inspiration, pleins et cadencés, comme ceux de l’ancienne école ; ils se détachent avec bien plus de grâce et de noblesse, et l’effet en est bien plus puissant.

/ 2293