Jean Racine, le grand poëte, Le poëte aimant et pieux, Après que sa lyre muette Se fut voilée à tous les yeux, Renonçant à la gloire humaine, S’il sentait en son âme pleine Le flot contenu murmurer, Ne savait que fondre en prière, Pencher l’urne dans la poussière Aux pieds du Seigneur, et pleurer. […] Dans un très-beau cantique sur la Charité, imité de saint Paul, il dit lui-même, en des termes assez semblables, et dont notre ami paraît s’être souvenu : En vain je parlerais le langage des Anges, En vain, mon Dieu, de tes louanges Je remplirois tout l’univers : Sans amour ma gloire n’égale Que la gloire de la cymbale, Qui d’un vain bruit frappe les airs.
Il est de certaines époques de l’histoire, dans lesquelles l’amour de la gloire, la puissance du dévouement, tous les sentiments énergiques, enfin, semblent ne plus exister. […] On perd en soi-même toute émulation, et les plaisirs de la volupté deviennent le seul intérêt d’une existence sans gloire, sans honneur et sans morale ; tel on nous peint l’état des hommes du Midi sous les chefs du Bas-Empire. […] Le caractère romain, ce miracle de l’orgueil national et des institutions politiques, n’existait plus : les habitants de l’Italie étaient dégoûtés de toute idée de gloire ; ils ne croyaient plus qu’à la volupté, ils admettaient tous les dieux en l’honneur desquels on célébrait des fêtes ; ils recevaient tous les maîtres que quelques soldats élevaient ou renversaient à leur gré ; sans cesse menacés d’une proscription arbitraire, ils bravaient la mort, non par le secours du courage, mais par l’étourdissement du vice.
On trouve, par exemple, ces vers sur l’union du pouvoir spirituel et temporel, au seizième Chant du Purgatoire : De la terre et du ciel les intérêts divers Avaient donné longtemps deux chefs à l’univers ; Rome alors florissait dans une paix profonde, Deux soleils éclairaient cette reine du monde : Mais sa gloire a passé quand l’absolu pouvoir A mis aux mêmes mains le sceptre et l’encensoir3. […] Alors il monte avec elle de sphère en sphère, de vertus en vertus, par toutes les nuances du bonheur et de la gloire, jusque dans les splendeurs du Ciel empyrée ; et Béatrix l’introduit au pied du trône de l’Éternel. […] J’ai donc pensé qu’elles devraient servir également à la gloire du poëte qu’on traduit, et au progrès de la langue dans laquelle on traduit ; et ce n’est pourtant point là qu’il faut lire un poëte, car les traductions éclairent les défauts et éteignent les beautés ; mais on peut assurer qu’elles perfectionnent le langage.