Il ajouta: « À qui comptez-vous laisser vos gens et votre pays ? […] Mais, quoi que fissent leurs gens, eux ils partirent joyeux. […] Ils repoussèrent les gens armés hors du bâtiment. […] Tous les gens de la suite étaient humides et rouges de sang. […] Nos gens de service ont reçu d’eux une mort imméritée.
Et au moment de la chute ou de la retraite contrainte, il dit encore : « La disgrâce de cet homme était plainte de peu de personnes à cause de sa gloire (de son orgueil). » Chose singulière, l’homme le plus éloigné à tous égards de L’Estoile, le cardinal de Richelieu, en ses Mémoires, parlant de Sully et de sa chute qui fut toute personnelle, dit à peu près la même chose : On a vu peu de grands hommes déchoir du haut degré de la fortune sans tirer après eux beaucoup de gens ; mais, la chute de ce colosse n’ayant été suivie d’aucune autre, je ne puis que je ne remarque la différence qu’il y a entre ceux qui possèdent les cœurs des hommes par un procédé obligeant et leur mérite, et ceux qui les contraignent par leur autorité. […] Préparez-vous donc à supporter avec courage toutes les traverses et difficultés que vous rencontrerez dans le monde, et, en les surmontant généreusement, acquérez-vous l’estime des gens d’honneur et particulièrement celle du maître à qui je veux vous donner, au service duquel je vous commande de vivre et mourir. […] Celui-ci, après être resté quelque temps dans la simple infanterie, passe dans la compagnie colonelle de M. de Lavardin et y sert en qualité d’enseigne ; mais bientôt il cède cette enseigne à un de ses cousins, et, ayant fait des épargnes de son revenu durant deux ou trois ans (car il est bon ménager de bonne heure), s’étant retranché durant ce temps à vivre de ses soldes, de ses profits et butins faits à la guerre, il s’arrange si bien qu’il peut figurer désormais comme gentilhomme, ayant ses gens et son équipage à lui, à la suite du roi de Navarre. […] Il l’épousa cette année même 1583 : L’amour et gentillesse de laquelle vous retint toute l’année 1584 en votre nouveau ménage, où vous commençâtes à témoigner, comme vous aviez déjà bien fait auparavant en toute votre vie, en la conduite de votre maison, une économie, un ordre et un ménage merveilleux, prenant la peine de voir et savoir tout ce qui concernait la recette et dépense de votre bien, écrivant tout par le menu, sans vous en remettre ni fier à vos gens, chacun s’étonnant comment sans bienfaits de votre maître, ni sans vous endetter, vous pouviez avoir tant de gentilshommes à votre suite, et si honnêtes gens qu’étaient les sieurs de Choisy, Morelly, Boisbrueil, Mallosnay, Tilly, Lafond et Maignan, et faire une si honorable dépense. […] Pendant une peste ou maladie contagieuse qui avait régné dans le pays de Rosny en 1586, il était venu la visiter, la tranquilliser ; il l’avait trouvée enfuie du château, réfugiée dans celui d’une tante, avec trois ou quatre de ses gens ; et là, s’étant enfermé avec elle, et n’ayant lui-même pour tout monde avec lui qu’un de ses gentilshommes, un secrétaire, un page et un valet de chambre, il demeura tout un mois en compagnie de sa douce moitié, sans être visité de créature vivante, tant chacun fuyait la maison comme pestiférée : Et néanmoins, écrivent les secrétaires, à ce que nous vous avons souvent ouï dire depuis, vous n’avez jamais fait une vie si douce ni moins ennuyeuse que cette solitude, où vous passiez le temps à tracer des plans des maisons et cartes du pays ; à faire des extraits de livres ; à labourer, planter et greffer en un jardin qu’il y avait léans ; à faire la pipée dans le parc, à tirer de l’arquebuse à quantité d’oiseaux, lièvres et lapins qu’il y avait en icelui, à cueillir vos salades, les herbes de vos potages, et des champignons, columelles et diablettes que vous accommodiez vous-même, mettant d’ordinaire la main à la cuisine, faute de cuisiniers ; à jouer aux cartes, aux dames, aux échecs et aux quilles… Et n’allons pas oublier le dernier trait que notre fausse délicatesse supprimerait et qui sent son vieux temps : « à caresser madame votre femme, qui était très belle et avait un des plus gentils esprits qu’il était possible de voir ».
Que le chancelier, d’un trait de plume, rende aujourd’hui, suivant le vœu des gens sensés, ces Treize Coutumes uniformes, à quoi serviront demain ces fruits d’une vieillesse agitée, pénible, plus qu’elle n’est heureuse ? […] Dès sa sortie du collège, Roederer eut un caractère marqué ; il se forma, d’après l’ensemble de ses lectures et de ses réflexions, une idée (sans doute trop embellie) de la vie sociale et des moyens de la réaliser ; il comprit vite, dans son premier contact avec les gens réputés mûrs et sensés, que cette manière de voir était peu agréée ; il se contint et resta enthousiaste au-dedans. […] Au milieu de ce qu’on regardait comme mon délire, je devins de quelque intérêt pour des gens aimant le bien ; j’en fus aimé et estimé. […] J’ai dit, non pas la phrase que l’on vous a répétée, mais une dont je ne me rappelle pas les mots exacts, et qui peut aisément être travestie ainsi, mais seulement pour les gens de mauvaise foi qui ne voudraient pas se rappeler que j’ai dit en toutes lettres hier que rien n’était si simple que d’avoir deux opinions dans une si grande question d’économie politique, et qui, par conséquent, voudraient douter, etc. […] Je ne reviendrai pas sur ces tristes époques : il faudrait être un Tacite pour parler avec intérêt et puissance de ces horribles temps, et tant de gens qui ne sont pas des Tacite s’en sont constitués les historiens.