Les grands « métaphysiciens » du début du XIXe siècle, ceux dont on loue dans les histoires la force ou le génie d’invention, un Fichte, un Schelling, un Hegel, — pour ne rien dire des moindres, — ne sont peut-être au fond que des arrangeurs de mots, et tout en les admirant, pour les ressources de leur dialectique, je me suis demandé quelquefois si leurs « palais d’idées » n’étaient pas destinés à tomber un jour dans le même dédain ou le même oubli, mutatis mutandis, que les constructions de Duns Scot, « le docteur subtil » ou l’Ars magna du Majorquain Raymond Lulle14.
C’est même souvent dans ces monologues que le musicien déploie tout le brillant de son art ; il peut se livrer à son génie ; il n’est point gêné, par la présence d’un interlocuteur qui demande à chanter à son tour.
Gide fait un peu figure d’amateur, comme Mérimée, à qui il ne ressemble guère par ailleurs, comme Benjamin Constant, à qui il ressemble davantage, comme le Sainte-Beuve de Volupté et le Fromentin de Dominique, je dirais même comme Stendhal, si celui-ci n’échappait par son génie aux classifications : mais enfin il est clair qu’on sent plus le professionnel dans Madame Bovary que dans La Chartreuse de Parme. […] Sauf quelques exceptions de romanciers-nés qui ont eu du génie, comme Balzac ou Tolstoï, et qui ont altéré nécessairement la pureté du genre, ce sont les autres qui lui ont donné une valeur littéraire.