On dira que l’action fut bien lente : dix-huit siècles s’écoulèrent, en effet, avant que les Droits de l’homme fussent proclamés par les puritains d’Amérique, bientôt suivis par les hommes de la Révolution française.
Ils se plaignent, si je ne me trompe, que, chez la plupart de nos poètes et même chez quelques-uns des plus grands, la poésie ressemble plus à un beau discours qu’à un chant ; ils se plaignent qu’elle soit plus éloquente que suggestive, qu’elle ait des reliefs trop nets et des contours trop arrêtés, et qu’enfin nos vers français aient un peu trop constamment le genre de beauté des vers latins, de ces vers trop sonores, au rythme trop marqué et trop énergique et qu’un Virgile seul a pu amollir quelquefois, rythme qui commande presque la précision dans les mots et dans les images et qui exclut la demi-teinte, la pénombre et l’ondoiement.
C’est par ce biais que l’ont prise, on le sait, la plupart des poètes qui l’ont adoptée, depuis Pétrarque et les pétrarquistes italiens et français, jusqu’à ceux qui, démêlant son côté faible et par où elle pouvait être comique, montrent des amants hypocrites disant qu’ils adorent dans l’objet aimé « l’auteur de la nature » et « le plus beau des portraits où lui-même s’est peint ».