Leur exemple fut imité d’une foule de seigneurs, d’évêques, tant en Champagne qu’en l’Île-de-France, en Picardie, en Touraine, en Flandre et de tous côtés. […] Notez que ces gens assemblés là par les soins du doge, et à qui l’on fait entendre la messe du Saint-Esprit afin de demander bon conseil d’en haut, ne savent pas encore, au moins la plupart, ce qu’on va leur proposer : quelques-uns cependant, qu’on a sondés à l’avance, sont groupés çà et là dans la foule.
On assure qu’il passe son temps à colliger une foule d’armes défensives et offensives ; de quoi accabler ceux qu’il aime aujourd’hui et qu’il pourra haïr demain, ceux qu’il déteste à présent et dont il veut se venger plus tard… » C’est de moi que M. de Pontmartin parle en ces aimables termes : et tous ceux qui ont lu son livre m’ont presque fait compliment comme à l’un des moins maltraités encore entre nos confrères. […] Et puis, quand je rentre dans mes quartiers non lettrés et tout populaires, quand je m’y replonge dans la foule comme cela me plaît surtout les soirs de fête, j’y vois ce que n’offrent pas à beaucoup près, dit-on, toutes les autres grandes villes, une population facile, sociable et encore polie ; et s’il m’arrive d’avoir à fendre un groupe un peu trop épais, j’entends parfois sortir ces mots d’une lèvre en gaieté : Respect à l’âge !
C’est, sans doute, une jouissance enivrante que de remplir l’univers de son nom, d’exister tellement au-delà de soi, qu’il soit possible de se faire illusion, et sur l’espace et sur la durée de la vie, et de se croire quelques-uns des attributs métaphysiques de l’infini ; l’âme se remplit d’un orgueilleux plaisir par le sentiment habituel, que toutes les pensées d’un grand nombre d’hommes sont dirigées sur vous ; que vous existez en présence de leur espoir ; que chaque méditation de votre esprit peut influer sur beaucoup de destinées ; que de grands événements se développent au-dedans de soi, et commandent, au nom du peuple, qui compte sur vos lumières, la plus vive attention à vos propres pensées ; les acclamations de la foule remuent l’âme, et par les réflexions qu’elles font naître, et par les commotions qu’elles excitent ; toutes ces formes animées, enfin, sous lesquelles la gloire se présente, doivent transporter la jeunesse d’espérance et l’enflammer d’émulation. […] … Oui, la gloire contemporaine leur est soumise, car c’est l’enthousiasme de la multitude qui la caractérise ; le mérite réel est indépendant de tout, mais la réputation acquise par ce mérite n’obtient le nom de gloire qu’au bruit des acclamations de la foule.