Il ne signifie pas que Mérimée ait été un prudent manœuvrier de sa fortune littéraire, ni qu’il ait toujours été très circonspect. […] Ils entreprennent alors de faire fortune, poussés par des motifs d’un ordre romanesque. […] La fortune prodigieuse du petit lieutenant d’artillerie devenu Empereur n’était-elle pas là pour attester que rien ne résiste au génie servi par la volonté ? […] C’est ce même attrait de contraste qui a fait en France la prodigieuse fortune du genre romanesque à une époque où il y a eu de moins en moins de roman dans la réalité. […] « S’il eût été plus court, la face du monde eût été changée » ; ou du « petit grain de sable » qui arrêta la fortune de Cromwell.
C’est peu de ces importants services : la littérature charme les loisirs de l’homme, le suit dans ses voyages, l’accompagne en tous lieux, sert d’occupation à l’adolescence, qu’elle distrait des plaisirs funestes, devient le plaisir de la vieillesse, qui n’en goûterait plus d’autres : elle bâtit sans frais à l’indigence un édifice de magiques illusions ; elle retire l’opulent du fracas qui suit sa fortune, et lui apprend loin du tumulte à jouir de ses richesses intellectuelles. […] S’il est vrai qu’à la scène un hasard, ou l’opiniâtreté d’un parti, fait chanceler les ouvrages, et les peut renverser à jamais ; si le génie y lutte parfois contre le caprice et la fortune, son triomphe a d’autant plus de splendeur que, pour l’obtenir, il lui fallut surmonter plus d’obstacles, et tenir tête à plus d’orages. […] Il la nomme simple, alors qu’elle présente un fait unique, dont l’accomplissement se produit sans changement de volonté ni de fortune des personnages, et sans obstacles au projet formé dès le commencement de l’action. […] Il n’aima la gloire que pour elle-même ; capable de diriger les grandes affaires, il négligea celles de la fortune, pour vaquer plus librement aux travaux de sa réputation. […] Il faut au dessein prémédité, des obstacles qui le traversent ; aux personnages, des variations de fortune : sans cela, point d’émotions, point de surprise.
Il sacrifia, sur la fin de sa vie, sa fortune à sa nièce. […] Quand la fortune des Bovary s’en va, celle de Lheureux s’édifie. […] L’un fait sa fortune, comme Lheureux, sur la ruine des autres. […] Je me vois à différents âges de l’histoire, très nettement, exerçant des métiers différents et dans des fortunes multiples. […] Emma mariée est poussée vers l’adultère et la honte, Frédéric célibataire mène en tranquille conscience sa vie d’homme à bonnes fortunes.