Taillandier était, lui, un quinquet fort sage, de lumière modérée, de chaleur sans inconvénient ; enfin, il était comme il fallait être pour vivre éternellement dans le clair-obscur de l’endroit. […] Ce christianisme sans gêne est fort au-dessous d’un protestantisme quelconque, car le Protestantisme a des liens qui l’embrassent et qui le retiennent en des Communions déterminées, et comme le Catholicisme, mais avec moins de bonheur et de facilité que le Catholicisme, il a toujours essayé de défendre son unité, sans cesse menacée et faussée d’ailleurs par son principe même. […] Et pour légitimer cette affirmation qui, vous le voyez, se détruit seulement en s’exprimant, et prouver qu’il est de l’essence de la vérité éternelle d’être moins forte que le temps et de changer avec lui, après avoir posé le principe faux du changement nécessaire, il le complète en l’appuyant sur des affirmations historiques d’une égale fausseté.
Triste et impuissante mascarade, qui n’est justifiée ni par l’exemple de Goethe vieillissant et chez qui la forte inspiration tarissait, ni par celui de M. […] Dans un temps où la langue serait forte, la Critique punirait peut-être le poète de cette impiété et de cette profanation, mais nous ne sommes plus au temps du grand Corneille où l’on disait Brute et Cassie, et où ce qui doit changer le moins, même les noms propres, devenaient français sous les plumes fières… À présent nous n’avons plus, il est vrai, cette insolence d’orgueil, et ce n’est pas seulement à l’expression étrangère que nous allons tendre des mains mendiantes, c’est à l’inspiration elle-même ! […] Il y est allé conduit par l’instinct éveillé de la peinture et en passant par les ateliers, mais ce qui l’y a entraîné plus fort que la peinture elle-même, c’est le néant qui est en lui et qui lui faisait trouver sa vraie place dans le pays de l’anéantissement universel.
Imagination qu’aurait préservée l’ignorance et qui n’était pas assez forte pour résister à la culture, M. de Gères ne sait pas ou peut-être a-t-il oublié que la fraternité tue les poètes autant que les peuples, et qu’ils doivent ressembler, pour être aussi impressifs qu’elle, à cette Tour seule qu’il a si bien peinte et chantée dans une de ses poésies le plus genuines par la rêverie et par le rythme : Au faîte où le sentier se plie Et plonge vers l’autre vallon, Droite sur son dur mamelon, Qu’au paysage rien ne lie, Sans arbre, sans maison autour, Sans voisinage qu’une meule, S’élève, muette, la tour Seule ! […] Malgré l’incontestable talent d’école de l’homme qui a écrit, sans changer de plume, et en trois manières, Le Linceul des forts et Le Dernier soupir du Maure, égaux pour le moins en beauté aux plus belles Orientales de M. […] Y a-t-il rien de plus achevé dans sa tristesse et de plus fort dans sa douceur ?