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1026. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Qu’on prenne les journaux et les livres, — et les livres, au train dont nous allons, ne seront bientôt plus que des journaux accumulés, si de fortes œuvres de méditation et d’haleine ne viennent pas les arracher à la juste indifférence qu’ils inspirent, — qu’on prenne les journaux et les livres et qu’on cherche dans les uns et dans les autres cette critique nécessaire à la vie des littératures, et l’on verra si la notion même n’en périclite pas ! […] Toutes les deux ne furent-elles pas fondées dans des intérêts et dans des vues fort différents de ceux-là qui nous préoccupent aujourd’hui ? […] Est-ce une présomption par trop forte, de la part de quelques esprits qui aiment la vérité, que de vouloir la dire à tout le monde sur les choses de la littérature, délaissées depuis longtemps parce que l’esprit de vérité ne les anime plus ?

1027. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Mais un juge plus fort que Boileau avait répondu : « Oui ! […] Quoique Destailleur ait le sentiment fort juste des beautés de détail de son auteur, nous sommes sûr qu’il pouvait, en s’abandonnant à une admiration plus courageuse, trouver mieux, pour les mettre en saillie, que des interjections qui ressemblent à des étiquettes, que les parfait ! […] En effet, dans ses appréciations littéraires et grammaticales, tracées du bout des doigts et de la plume, dans ces petites notes qui sont de véritables épluchettes, il se montre souvent fort collet-monté, et un fait que nous citerons donnera mieux l’idée de la portée de ce commentateur que tout ce que nous pourrions ajouter : « Parler et offenser — dit quelque part La Bruyère — est pour de certaines gens absolument la même chose.

1028. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Ces Mémoires qui révèlent la Russie à elle-même, et qui sont , dit l’introduction avec l’enflure des joues d’un sonneur de trompe, un de ces ouvrages hardis et venus à propos qui agissent fortement sur les idées d’un peuple et prennent date dans son histoire , méritent fort peu ce grand fracas, et s’ils prennent date quelque part, ce ne sera pas dans l’histoire des mœurs et des institutions de la Russie, mais dans la belle histoire aux pages vastes et vides de la littérature Russe ; car ces Mémoires étincellent d’un talent très vif, et le talent littéraire, comme on le sait, ne neige point là-bas14… Seulement, hors cela, — le talent littéraire que nous allons tout à l’heure mesurer, — il n’y a réellement pas dans le livre d’Yvan Tourgueneff de quoi justifier les illusions de son enthousiaste traducteur. […] C’est vraiment un fort joli livre, mais en fin de compte, ce n’est que cela. […] Mais quand on se prend dans sa traduction même, on trouve tout à coup un artiste de style extrêmement souple et fort, et dont la plume est un burin qui fait gravure à l’auteur traduit.

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