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258. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Il y a des personnes peut-être qui s’imaginent qu’il suffit d’être riche, d’avoir un bon cuisinier, une maison confortable et située dans un bon quartier, une grande envie de voir du monde, et de l’affabilité à le recevoir, pour se former un salon : on ne parvient de la sorte qu’à ramasser du monde pêle-mêle, à remplir son salon, non à le créer ; et si l’on est très riche, très actif, très animé de ce genre d’ambition qui veut briller, et à la fois bien renseigné sur la liste des invitations à faire, déterminé à tout prix à amener à soi les rois ou reines de la saison, on peut arriver à la gloire qu’obtiennent quelques Américains chaque hiver à Paris : ils ont des raouts brillants, on y passe, on s’y précipite, et, l’hiver d’après, on ne s’en souvient plus. […] « Toutes les femmes, disait-on d’elle, se mettent comme la veille, il n’y a que Mme Geoffrin qui se soit toujours mise comme le lendemain. » Mme Geoffrin passe pour avoir pris ses leçons de grand monde chez Mme de Tencin, et pour s’être formée à cette école. […] Le salon de Mlle de Lespinasse, à part cinq ou six amis de fond, n’était lui-même formé que de gens assez peu liés entre eux, pris çà et là, et que cette spirituelle personne assortissait avec un art infini. […] Vers la fin ce salon voit se former, en émulation et un peu en rivalité avec lui, les salons du baron d’Holbach, de Mme Helvétius, en partie composés de la fleur des convives de Mme Geoffrin, et en partie de quelques têtes que Mme Geoffrin avait trouvées trop vives pour les admettre à ses dîners.

259. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Petitot eut obtenu de publier les Mémoires mêmes du cardinal, déposés depuis longtemps et jusque-là ensevelis dans les archives du ministère des Affaires étrangères, et qui ne formèrent pas moins de dix volumes in-octavo de sa collection. […] Avenel, et qui doit former en tout cinq volumes in-quarto. […] Les princes et les grands, de tous côtés, relevaient la tête et prenaient les armes ; les protestants ressaisissaient l’occasion de se confédérer et de former un État dans l’État et contre l’État. […] Le prince de Condé à peine arrêté, et pour se racheter de prison, propose de tout révéler et de découvrir tous les secrets de son parti et de sa cabale : « Ce qui ne témoignait pas tant de générosité et de courage, remarque Richelieu, qu’une personne de sa condition devait avoir. » C’est alors que la reine se voit en mesure de former décidément son Conseil des ministres, qu’elle avait déjà changé en partie : à une nouvelle situation il fallait une politique nouvelle.

260. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Mais le fait extérieur lui-même n’est encore qu’un « phénomène », et il est toujours formé pour nous d’éléments subjectifs. […] En poussant jusqu’au bout cette opposition, nous finissons par nous, demander s’il ne peut exister un objet séparé du sujet, existant en lui-même et non plus seulement pour nous ; et nous formons ainsi la notion problématique d’une réalité en soi, par opposition à l’être pour nous, d’une réalité indépendante par opposition aux phénomènes dépendants de notre cerveau. […] Nous formons la notion d’infini par abstraction et par déduction, en nous appuyant sur les principes d’identité et de raison suffisante. […] Descartes objecte encore : — Si nous formons l’idée de perfection suprême par la réunion de nos perfections en un tout, l’idée de perfection n’aura pas d’unité ; or, « l’unité absolue » est le caractère de la perfection. — On peut répondre que l’idée même de cette unité attribuée par nous à la perfection est encore empruntée à notre conscience.

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